Le PKK, incontournable dans la lutte contre l’Etat islamique

Les Kurdes, tous les Kurdes, qu’ils soient du Kurdistan du Nord ou du Sud, du Kurdistan oriental ou occidental, sont mobilisés pour lutter politiquement et militairement contre tous les djihadistes, ceux du front Al-Nosra, branche syrienne d’Al-Qaida, soutenu par l’Arabie Saoudite, comme ceux de l’Etat islamique (EI) soutenus par le Qatar. Ils ont été les seuls, en Syrie, à pouvoir, depuis 2011, s’opposer efficacement à cette politique criminelle développée par ces Etats dont la Turquie s’est avérée complice. Les Etats-Unis et les pays européens, dont la France, ne sont pas exempts non plus de tout reproche.

Les combats qui se sont étendus en Irak jusqu’aux aux portes de l’Iran présentent un risque régional encore plus large. Face au danger d’une guerre qui menace d’embraser tout le Moyen-Orient et même au-delà, un certain nombre de voix ont alerté le Secrétaire général de l’ONU, dont celles de Selahattin Demirtaş (auteur auréolé d’une remarquable campagne comme candidat à l’élection présidentielle en Turquie) et Figen Yüksekdağ, co-président et co-présidente du HDP, Parti pour la Paix et la Démocratie, considéré par l’opinion internationale comme la branche légale et parlementaire du PKK.

Le PKK, un acteur majeur au Moyen Orient

“La lutte contre l’Etat islamique impose le PKK comme puissance régionale” (“Le Monde” 09/09/2014) écrit Allan Kaval, journaliste indépendant connu pour ses publications sur les politiques intérieures et extérieures de la Turquie et de l’Iran, sur l’histoire du nationalisme et des identités minoritaires au Moyen-Orient. C’est grâce aux forces combattantes du PKK de Turquie et de ses filiales en Iran (PJAK) et en Syrie (PYD), venant prêter main forte aux peshmergas du Kurdistan irakien, que l’offensive djihadiste a été stoppée en Irak, aidées en cela par les bombardements américains.

C’est pour faire face à une situation très tendue en Syrie qu’une autre union a vu le jour mercredi 10 septembre entre les combattants (YPG) et combattantes (YPJ) du PYD kurde, l’homologue syrien du PKK en Turquie, fort de son organisation militaire mais aussi politique et l’Armée syrienne libre (ASL) qui peine à être un interlocuteur crédible.

Inquiétude de la Turquie

La Turquie, qualifiée de “maillon faible de l’alliance” par Le Figaro (12-09-2014), paie, obnubilée par sa lutte contre le PKK, les incohérences de sa politique étrangère, qui suscite l’agacement de ses alliés occidentaux. Elle conserve néanmoins leur confiance, solidarité au sein de l’OTAN oblige, ce qui a pour conséquence directe le maintien du PKK comme organisation terroriste. Mais pour combien de temps ? Une appartenance à l’Alliance qui la protège pour l’instant n’est pas forcément une assurance tout risque à long terme. Un journal turc comme Zaman, proche de la confrérie islamiste de l’imam Fethullah Gülen réfugié aux Etats-Unis, note que l’idée progresse auprès de think-tanks, des médias et des politiciens américains, mais aussi auprès de certains responsables politiques européens, de considérer le PKK non plus comme une organisation terroriste mais comme une “organisation de la société civile”, au grand dam de la Turquie, inquiète des projets qui, dans le sud-est du pays, réclament plus d’autonomie économique, politique et culturelle. Zaman enfonce le clou en titrant dans son édition du 12 septembre : “le PKK ouvre trois écoles kurdes en Turquie” avec cette introduction qui mérite attention : “le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), groupe classé terroriste par la Turquie, l’UE et les Etats-Unis, semblerait chercher à étendre sa domination dans le sud-est de la Turquie, par l’ouverture d’écoles où les cours sont enseignés totalement en kurde”.

“Encore un petit effort, Laurent “

Le président Obama vient de promettre d’agir contre l’Etat islamique “en Syrie, comme en Irak” en prévoyant des frappes aériennes mais aussi en équipant et entraînant les rebelles syriens. La France, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, a fait savoir qu’elle n’interviendrait pas en Syrie selon les mêmes modalités qu’en Irak, misant sur une aide à “l’opposition modérée syrienne” semblant, une fois encore, ignorer les Kurdes.

On perçoit là une différence de traitement entre celui réservé au Kurde irakien Barzani, qui vient du monde socio-libéral et que l’on traite avec déférence – enjeux économiques obligent – et celui réservé aux Kurdes de Turquie et de Syrie qui veulent promouvoir un modèle de société différent, plus démocratique, plus égalitaire et que l’on continue à traiter comme des terroristes, même quand ils viennent au secours des Kurdes irakiens et en particulier les Chrétiens et les Yezidis.

Il est temps, n’en déplaise à notre diplomatie, que le PKK, qui apparaît comme une force incontournable dans la lutte contre l’Etat islamique, soit reconnu pour ce qu’il est et qu’il soit retiré de la liste des organisations terroristes.

André Métayer