L’horrible attentat à l’aéroport d’Istanbul ne doit pas faire oublier les atrocités commises à Cizre, à Sur et maintenant à Lice

Mardi 28 juin, 20 h 55, la chaine TV Arte projette le film de Halil Gülbeyaz, “La Turquie face à la terreur”, qui dénonce, photos à l’appui, les complicités entre l’armée turque et l’Etat islamique à la frontière turco-syrienne, laissant passer trafic en tous genre, y compris des convois d’armement. Trafic dénoncé par nombre de journalistes et d’observateurs associatifs (parmi lesquels les AKB et la CNSK), ce qui a valu à Can Dündar, rédacteur en chef du journal d’opposition Cumhuriyet, d’être inculpé et condamné à cinq années de prison.

Mardi 28 juin, 21h (heure de Paris), aéroport international d’Istanbul. Trois kamikazes ouvrent le feu avant de se faire exploser. Le bilan est lourd : 43 morts et 239 blessés. L’attentat qu’on attribue à l’EI n’est toujours pas revendiqué. Le territoire turc est, en effet, considéré par l’EI comme une terre de recrutement et un lieu de passage pour ses combattants et pour les trafics qui le financent. Cet attentat pourrait être en quelque sorte un avertissement envoyé à Ankara sans pour autant déclarer une guerre ouverte et s’exposer à des représailles. D’autres hypothèses ne sont pas à exclure. La prudence reste de mise, des attentats précédents comme ceux de Suruç ou de Diyarbakir (lors du meeting du HDP) et bien d’autres n’ayant toujours pas été élucidés.

Politique de la terre brûlée et crimes de guerre

L’attentat d’Istanbul, dont nous ne sous estimons pas la gravité, ne doit pas occulter la politique de la terre brulée d’Erdoğan qui consiste à éliminer par tous les moyens toute contestation. Des opérations militaires ont, depuis juillet 2015, ravagé nombre de villes comme Sur/Diyarbakır, Cizre, Şırnak, Silopi, Nusaybin, Yüksekova, Adil, Silvana, Derik… Des milliers de personnes ont été massacrées, plus de 500 000 d’entre elles ont été déplacées. Le Conseil démocratique kurde en France (CDKF) attire l’attention de la communauté internationale sur une tragédie humaine et écologique irréversible qui se joue à Lice[[C’est dans le village de Fis, proche de Lice, qu’Abdullah Öcalan et ses amis fondèrent le PKK en 1978]] :

il y a 5 jours, les autorités turques ont placé 39 zones d’habitation du district de Lice (province de Diyarbakir) sous couvre-feu et entamé des opérations de grande envergure. Les avions de chasse et les hélicoptères turcs lâchent des bombes incendiaires sur les zones forestières et montagneuses de Lice et de ses environs, provoquant des destructions importantes de la faune et de la flore. Des dizaines de milliers d’hectares d’espaces verts ont été réduits en cendres. Les médias, les organisations de la société civile et les représentants des partis politiques sont interdits d’entrer dans la région. Les autorités turques ont classé cette région dans les zones militaires interdites afin de dissimuler les crimes qui y sont commis.

Deux avocates ont déposé lundi une plainte devant le Parquet fédéral allemand contre le président turc Recep Tayyip Erdoğan pour crimes de guerre et exactions présumées commises par l’armée turque à Cizre. La Fondation turque des droits de l’Homme (TIHV) affirme qu’au moins 178 civils y ont été tués ou exécutés. Des dizaines de milliers d’habitants de cette ville ont été contraints à l’exode. Le rapport de la CNSK de mars dernier dresse un bilan des opérations militaires. Le rapport de la ville de Diyarbakir est aussi à verser au dossier.

André Métayer