L’Union européenne doit soutenir la revendication kurde d’une paix négociée

Imaginons…. imaginons l’UDB, (l’Union Démocratique Bretonne) remportant, le 29 mars dernier, lors d’élections municipales, un succès électoral plaçant ce parti , qui se définit comme autonomiste, écologiste et de gauche, à la tête de 99 communes et des 5 départements bretons, victime, une semaine plus tard, d’une rafle monstrueuse au cours de laquelle des cadres et des élus de ce parti sont interpellés par centaines et dont certains sont immédiatement écroués. Pure fiction… en France !… Mais c’est exactement ce qui arrive, en Turquie au DPT, Parti pour une Société Démocratique : 700 arrestations parmi les cadres et les élus dont 230 sont déjà jetés en prison. C’est ce qui arrive à ce parti pro-kurde qui s’est imposé aux dernières élections comme l’interlocuteur incontournable avec lequel le gouvernement turc islamiste sera contraint de négocier pour trouver une solution politique à la question kurde. Les forces d’opposition, laïques et nationalistes, alliés objectifs du pouvoir en place sur cette question, devront également respecter le DTP comme un parti légal.

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Cette atteinte caractéristique à la liberté d’expression politique, individuelle et collective, exige de la communauté internationale une ferme condamnation» ont déclaré, unanimes tous les intervenants, lors du colloque organisé, à Paris, le 30 avril dernier, au Palais du Luxembourg, par Centre d’information du Kurdistan, en collaboration avec diverses organisations, tant françaises que kurdes, sous le patronage de la sénatrice communiste Isabelle Pasquet.

Les dirigeants et les élu(e)s du DTP auraient des liens supposés avec le PKK, le Parti des Travailleurs du Kurdistan? – «A supposer que cette conception de la ‘preuve à charge non-établie’ soit retenue, elle ne se différencierait pas de celle que l’Histoire a condamnée lorsque dans ce pays, la France, des personnes ont été arrêtées pour leurs liens présumés avec la Résistance» a asséné avec force Joël Dutto, ancien vice Président du Conseil général des Bouches du Rhône et conseiller municipal d’opposition de la ville de Marseille, qui poursuivit, sous les applaudissements de la salle : «Aujourd’hui, le PKK doit être rayé de la liste des organisations terroristes et reconnu comme un mouvement politique de résistance armée, un des protagonistes essentiel avec lequel il faut négocier. Le PKK et son président, Abdullah Öcalan, ont montré à plusieurs reprises leur volonté de dialogue en décrétant unilatéralement plusieurs cessez-le-feu jamais acceptés par la Turquie ; ils réclament une paix négociée dans le cadre d’un règlement politique du conflit et doivent pouvoir compter sur les forces progressistes en France et en Europe.»

Il faut, en effet que l’Union européenne se rende à l’évidence : c’est incontournable. Alain LIPIETZ, député vert européen et Jaques FATH, responsable des relations internationales du PCF, ont chacun à leur manière, plaidé la cause de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, comme le DTP, d’ailleurs, et la vox populi kurde, qui pensent que cette intégration favoriserait une politique respectant les droits de l’homme et les droits politiques et culturels de chacun ! Rien n’est moins sûr, mais chacun s’accorde à rester ferme sur ce critère de Copenhague : «la mise en place d’institutions stables garantissant l’Etat de droit, la démocratie, les droits de l’homme, le respect des minorités et leur protection.»

Le dossier kurde est un “pion intouchable” d’après Piotr Romanov, de RIA Novosti, et «les Kurdes forment depuis l’antiquité, un peuple à part», comme l’ont rappelé l’historien Jean Charles de Fontbrune, en citant Xénophon qui, dans l’Anabase, les nomme les Cardouques, et son Excellence Bernard Dorin, Ambassadeur de France qui, en situant le grand Kurdistan, éclaté sur quatre pays, fort de ces 40 millions d’habitants, et formant “le plus grande peuple au monde sans territoire” pose cette terrible question : “Pourquoi les Kurdes n’auraient-ils pas droit de rêver à un grand Kurdistan ?”.

L’heure aujourd’hui est à la négociation portant sur les termes d’un accord entre belligérants, des modifications constitutionnelles, et la reconnaissance sans restrictions ni censure de l’identité kurde ; le premier geste attendu de la Turquie est la libération immédiate de toutes les victimes de la rafle d’avril.

Abdullah DEMIRBAS, maire de Surici (arrondissement de Diyarbakir), Mahmut SAKAR Avocat d’Öcalan, Eren KESKIN, avocate des droits de l’homme et de la femme, Sebahat TUNCEL, députée, responsable des relations extérieures du DTP, qui sont repartis en Turquie continuer leur difficile combat, ont forcé l’admiration de tous par leur courage, leur détermination et leur lucidité.

André Métayer