Newroz à Diyarbakir : Pervin Buldan et Sırrı Süreya Önder créent l’événement

C’est devant une foule énorme, rassemblée à Diyarbakir à l’occasion de la fête du Newroz, que Pervin Buldan, députée BDP d’Igdir, et Sırrı Süreya Önder, député BDP d’Istanbul, ont lu, la première en kurde, le second en turc, le message d’Abdullah Öcalan. Ces deux députés avaient accompagné le 18 mars dernier Selahattin Demirtaş, député de Hakkari, co-président du BDP, pour rencontrer l’illustre prisonnier sur l’île d’Imrali. C’est un signal très fort que le BDP a voulu adresser en faisait lire ce message dans les deux langues par deux députés, l’une d’origine kurde, l’autre d’origine turkmène.
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Pervin Buldan députée d’Igdir

Igdir se situe à la frontière avec l’Arménie, au pied du mont Ararat. Pas facile pour une femme d’être candidate à Igdir ! La mairie, tenue depuis 1999 par le MHP (parti turc d’extrême droite ultranationaliste), a été remportée par le parti pro-kurde (DTP/BDP) en 2009 mais le maire, Mehmet Nuri Günes, a été arrêté dès le 22 janvier 2010 avec 60 autres personnes et écroué. Il fait partie du procès de Diyarbakir intenté à 150 élus et cadres politiques et associatifs. Pour autant, Pervin Buldan, candidate du BDP, élue une première fois en 2007, est réélue en 2011 pour 4 ans. Son histoire force le respect : née en 1967 à Hakkari, Pervin Buldan s’est retrouvée veuve à 27 ans. Son mari, Savas Buldan, soupçonné de financer le PKK, a été enlevé le 3 juin 1994 avec deux de ses amis. On a retrouvé leurs cadavres le lendemain au bord d’une rivière. Le même jour, Pervin a donné naissance à son deuxième enfant et s’est engagée dans la politique. Membre fondatrice de YAKAY-DER (Association d’Aide et de Soutien aux Proches des Disparus), elle en est la présidente de 2001 à 2007. Son nom est avancé pour une éventuelle candidature au prix Nobel de la Paix. Elue députée d’Igdir en 2007 avec 17 500 voix, elle est réélue en 2011 avec 24 676 voix et ce malgré les fraudes électorales que dénonce une délégation iséroise, à partir de ses observations dans différents bureaux de vote d’Igdir et de cinq villages considérés comme les plus sensibles, dans un long rapport dont nous avons publié de courts extraits.

Sırrı Süreya Önder, député d’Istanbul

C’est dans la 2ème circonscription d’Istanbul, un quartier populaire cosmopolite à majorité kurde, que le cinéaste, acteur, écrivain Sirri Süreyya Önder, d’origine turkmène, a été élu en 2011 comme député BDP. Sa campagne électorale a été particulièrement haute en couleurs avec des meetings où se mêlaient chants et danses populaires aux discours et aux slogans. Sirri Süreyya Önder, né en 1962 à Adiyaman, (Turquie du sud, à 200 km à l’ouest de Diyarbakir) a connu très tôt la prison alors qu’il était encore étudiant : les généraux du coup d’État de 1980 l’ont envoyé pour sept ans dans la terrible prison d’Ankara. Il ya participé à la longue grève de la faim entreprise en solidarité avec les détenus de la prison de Diyarbakir dans laquelle plusieurs s’étaient immolés par le feu. En 2007, il réalise le film Beynelmilel (l’Internationale) qui montre avec humour, mais sans concession, l’imbécilité des interdits que le coup d’État avait imposés aux musiques populaires. Les putschistes jetaient en prison les bannis de la société, les communistes, les Kurdes et les Alévis et le régime carcéral qu’ils avaient institué les a unis solidement : Sirri Süreyya Önder a découvert en prison la fraternité turco-kurde. En 2012, Au 59ème jour de la grève de la faim observée par les prisonniers politiques kurdes en Turquie, des députés du BDP ont entamé une grève de la faim de solidarité. Sirri Süreyya Önder était de ceux-là.

André Métayer