Non, les Kurdes ne sont pas des terroristes

Un homme d’une trentaine d’années, un Kurde de nationalité turque, a été interpellé, mardi, à Rennes, par la sous-division antiterroriste de la PJ parisienne. Les enquêteurs le soupçonnent de financer la PKK, considéré comme une organisation terroriste. (Ouest-France, 15-16 octobre 2016)

Cette interpellation apparaît comme saugrenue, dans le contexte actuel où la lutte anti terroriste, c’est la lutte contre le prétendu Etat islamique (EI) qui prône, au Moyen Orient et dans les pays africains, la violence, l’intolérance, la charia et qui menace notre sécurité.

La seule explication, donnée encore récemment par le Ministère français des Affaires étrangères, est que le PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan) est une organisation placée sur une liste d’organisations terroristes et que “les raisons qui ont présidé à son inscription par l’Union européenne sont encore valables aujourd’hui”. Cette inscription décidée par une instance politique est-elle fondée en droit ? Mais qu’importe le droit, le vrai motif est tout autre : le “Kurde”, nous le savons, est une monnaie d’échange dans le jeu subtil et quelque peu nauséabond des relations tumultueuses entre la France et la Turquie.

“Nous ne sommes pas des terroristes, nous sommes tous PKK”

Les Kurdes, à Rennes comme partout en France, en Europe, crient à l’imposture : « nous ne sommes pas des terroristes, nous sommes tous PKK ». Le PKK, en effet, est un puissant mouvement qui irrigue toute la société kurde en Turquie et même au-delà. Il milite pour un modèle social laïque, décentralisé, respectant l’égalité homme/femme, respectueux des croyances et des minorités, initié par Abdullah Öcalan et mis en place au Rojava (Kurdistan de Syrie) par le PYD (Parti de l’Union démocratique). Il est combattu par la Turquie, hier kémaliste, aujourd’hui islamiste. Il n’est soutenu ni par les États-Unis ni par les pays européens, qui le trouvent bien trop révolutionnaire. Pourtant Abdullah Öcalan l’affirme en lançant un nouvel appel à la paix et à la négociation : “tout pourrait être réglé en six mois”. Le PKK est aussi un mouvement de résistance populaire, avec une branche armée, les HPG, forces combattantes considérées comme les meilleures pour lutter contre l’EI, mais comme terroristes quant il s’agit de s’opposer à un gouvernement totalitaire qui licencie, emprisonne, destitue, liquide tous ceux, toutes celles qui pourraient s’opposer. C’est tout le problème de la légitime défense qui est posé dans un État où le droit fait place à l’arbitraire et à la répression. La lutte armée est-elle dans ce cas légitime ? On peut en débattre mais la confondre avec le terrorisme, c’est un pas qu’un État de droit comme la France ne devrait pas franchir.

“La paix, la paix, la paix”

“La France a exprimé publiquement et à plusieurs reprises sa préoccupation sur la dégradation de la situation dans le sud-est de la Turquie” dit encore une récente lettre ministérielle et nous n’en doutons pas. Mais, paraphrasant une célèbre réplique du général de Gaulle à propos de l’Europe, nous avons envie de répondre :

on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant “la paix, la paix, la paix,” mais cela n’aboutit à rien et cela ne signifie rien.

Nous déplorons la position de la France qui conforte le président-dictateur RT Erdoğan dans sa posture guerrière, lui qui a déclaré la guerre à son peuple. La Turquie n’est plus un État de droit. Nous attendons de la France qu’elle prenne avec l’Europe, avec l’ONU, des initiatives diplomatiques, politiques, économiques pour obliger un pays “ami” (???) membre de l’OTAN (!!!) à respecter le droit et à reprendre la voie de la négociation pour une paix durable. L’exemple de la Colombie tombe à point nommé.

Nous pouvons comprendre que la France soit amenée à entretenir des relations diplomatiques, voire commerciales, avec des pays – et ils sont nombreux au Moyen-Orient, en Afrique, en Europe même et ailleurs – qui ne respectent pas les droits humains, mais delà à pourchasser sur notre sol des hommes et des femmes dont le seul tort est de s’opposer à ces régimes tyranniques… non, pas ça.

André Métayer