Nusaybin, à la frontière turco-syrienne

Dimanche 29 octobre, François, Gaël et Elie sont allés voir du côté de Nusaybin, ville à frontière turco-syrienne, siamoise de Qamishli (côté syrien) contrôlée depuis peu par le PYD. C’est peut-être d’ailleurs ce qui explique le calme qui règne sur cette portion de barbelés, un calme plat et pesant et une frontière hermétiquement fermée. Peu de militaires et une tension habituelle, pas plus, pas moins. Retour sur Diyarbakir qui se prépare à la grande manifestation de mercredi 31 octobre.

Un dimanche à la frontière turco-syrienne

Une fois devant les barbelés qui séparent le Kurdistan turc du Kurdistan syrien, le plus dur reste à faire. Il s’agit de démêler ce que l’on voit de ce que l’on projette. Au fond, on aurait bien aimé voir des chars, des miradors pleins à craquer, des impacts d’obus ou des contrôles de passeports. Il y a un terrain vague où des enfants jouent au foot. Le terrain est si grand que lorsqu’une équipe avance vers le but adverse, le gardien désœuvré prend le temps de venir nous saluer dans le peu d’anglais que les enfants d’ici connaissent tous : « What is your name ? » et « Money, money ». Nous sommes à Nusaybin et, sans même avoir à justifier notre présence, nous longeons la frontière comme on ferait du lèche-vitrine.

C’est dimanche, c’est férié mais ça n’est pas pour ça que c’est fermé. Côté syrien, on voit distinctement le minaret d’Al Qämishli, la ville jumelle. Avant la création de la république de Turquie, les deux villes ne faisaient qu’une. Une longue tyrolienne permettrait de passer de l’un à l’autre, en chantant. Devant le poste-frontière, on trouve quand même quelque soldats qui illustrent a minima l’interdiction de franchir cette ligne. Des touristes turcs se prennent en photo, quelques Kurdes regardent un camion passer au loin et reconnaissent peut-être la plaque d’un ami, d’un frère. Peut-être même était-ce leur camion ? Tout est calme. On nous confirme qu’Al Qamishli est passé sous contrôle kurde.

DSCF5986r.jpgBachar Al-Assad étant occupé sur d’autres fronts, le Kurdistan syrien jouit d’un calme appréciable. On boit un thé. Finalement, le plus dangereux lorsque l’on regarde vers le sud, c’est de ne pas voir débouler la moto des deux adolescents qui foncent sur la zone tampon, leur terrain de cross. Il vaut mieux alors regarder au Nord, vers Ankara et repenser à cet homme dans le bus qui avant de descendre, à essayé de se confier. Il a simplement dit “Kurdistan ” et s’est mis à pleurer. Elie, François, Gaël

La neutralité kurde à rude épreuve

Malentendus ? Provocations du régime syrien ou manipulations des services secrets turcs ? Plusieurs incidents graves ont opposés les Unités de Défense populaire (YPG), branche armée du parti kurde PYD qui assure la protection des zones kurdes, à des “rebelles anti-régime” d’après l’AFP, identifiés par l’ANF comme appartenant à des unités de groupes soutenus par la Turquie et connus sous les noms de Salaheddine Al-Ayoubi et d’Abou Omar Dadika. Le premier a tenté de prendre Achrafiyé, quartier kurde d’Alep, le second s’en est pris au village kurde Qestel dans la région d’Afrin. Les forces kurdes auraient repris la situation en main mais le bilan est lourd : des morts, des blessés et des personnes enlevées.

Est-ce un malentendu ? ” Nos frères kurdes sont des camarades au sein de notre nation” a déclaré un porte-parole de la brigade Ahrar Iblin, du nom de ce petit village du nord-ouest de la Syrie qui accuse le régime syrien de “manigance”. L’armée de Bachar al-Assad n’avait-elle pas, la veille de l’attaque, bombardé pour la première fois le quartier Achrafiyé, tuant 15 personnes?

Le PYD ne veut pas considérer “les assaillants comme appartenant à l’armée syrienne libre (ASL)” et maintient sa position : “Nous avons choisi de rester neutres, et nous ne prendrons pas partie dans une guerre qui n’apportera que souffrance et destruction à notre pays.”

André Métayer