Répression contre les Yézidis : l’administration AKP ferme le camp de réfugiés de Fidanlik à Diyarbakir

Les réfugiés yézidis vont être emmenés de force dans les camps de la Direction turque de Gestion des Catastrophes et Situations d’Urgence (AFAD), peuplés principalement de réfugiés syriens arabes sunnites, ce qui est un sujet d’inquiétude quand on connait l’histoire des Yézidis et l’insécurité qui règne dans ces camps (un exemple : “Turquie: des enfants syriens violés dans un camp de réfugiés“), sans compter la présence des djihadistes syriens avec la complicité de l’administration turque. C’est la décision des fonctionnaires de l’administration gouvernementale, à la solde d’Erdoğan, nommés en remplacement de Gültan Kışanak et Firat Anli, co-maires de la ville métropolitaine de Diyarbakir, dont nous avons déjà relaté l’arrestation et la mise en détention en compagnie de nombreuses personnalités (certaines, comme Ayla Akat Ata et Selahattin Demirtaş, ont été reçues par la mairie de Rennes).

Le camp de Fidanlik avait été ouvert par la ville métropolitaine de Diyarbakir et la mairie d’arrondissement de Yenişehir. Plus de 8 000 personnes (en majorité des femmes et des enfants) ont été accueillis dans ce camp et à ce jour, près de 1 600 Yézidis y vivent encore. Par deux fois, le Conseil municipal de Rennes, en 2014 et 2015, a voté une subvention de 30 000 euros “pour appuyer financièrement la ville de Diyarbakir dans le soutien qu’elle apporte aux réfugiés en provenance de la région de Sinjar“. La venue à Rennes de Gültan Kışanak, en décembre 2015, avait été l’occasion de resserrer les liens d’amitié et de coopération entre les deux villes.

L’histoire des Yézidis

Les Yézidis, que les islamistes appellent “adorateurs du diable”, ont toujours été persécutés en raison de la spécificité de leur foi, bien que le yézidisme soit une religion monothéiste reconnaissant l’existence de Jésus et Mahomet.

Rappelons ici que ces populations civiles auraient été exterminées lors de la prise de Sinjar (Kurdistan d’Irak) par les djihadistes de l’Etat islamique si les forces combattantes kurdes, les YPG venus de Syrie et les HPG (PKK) venus de Turquie, n’étaient pas parvenues à ouvrir un corridor et les exfiltrer, avec le soutien de l’aviation américaine. L’attaque perpétuée par l’EI en août 2014 constitue l’apogée d’une longue période de tension entre Arabes sunnites et Yézidis : en 24 heures, d’après l’ONU, c’est près de 200 000 personnes qui auraient été jetées sur les routes de l’exode. Le rapport de l’ONU estime à 3 200 le nombre de femmes et de jeunes filles toujours prisonnières des mains de l’EI, à plus de 450 000 le nombre de déplacés et à plusieurs milliers le nombre de morts, des suites de l’attaque ou de l’exode. C’est dire si cette population, par ailleurs particulièrement attachante, est traumatisée.

Les Amitiés kurdes de Bretagne (AKB) en témoignent avec des expositions photographiques, des conférences, une vidéo en cours de montage et un extrait du film « Kurdistan, Rêve de Printemps », le film de Mikael Baudu, qui a suivi la délégation des AKB au Kurdistan en avril 2015.

La misère n’est pas un voyage, c’est une errance

Les AKB ont rencontré ces “centaines d’êtres humains que l’on appelle un peuple, qu’on appelle Yézidis, qu’on appelle survivants, réfugiés, migrants mais que l’on n’appelle jamais par leurs prénoms”. Notre délégation a visité le camp de Fidanlik à plusieurs reprises en 2014 et 2015 et a concrètement arrêté en janvier et mars 2016, avec les responsables du camp et la mairie métropolitaine de Diyarbakir, les modalités d’activités culturelles en direction des enfants sous la forme d’ateliers artistiques (photos, théâtre, peinture, vidéo) qui se sont déroulés en juin et juillet dernier, animés par des professionnels intervenant bénévolement, avec le soutien financier des adhérents de l’association, de la Ville de Rennes, du Conseil départemental d’Ille-et-Vilaine et du Comité de Sainte-Geneviève-des-Bois du Secours populaire français. 6-dscf3280.jpgUne restitution officielle des travaux réalisés a donné lieu à une fête le 22 octobre à Diyarbakir, à la grande joie des enfants, avant que la délégation ne prolonge sa mission en direction de Sinjar, pour rencontrer les survivants du drame de 2014. Certains avaient trouvé à Diyarbakir des raisons d’espérer à une vie meilleure. Les voici de nouveau condamnés à l’errance, à moins d’être conduits dans un camp de l’AFAD où ils ne veulent pas aller. Stop Erdoğan.

André Métayer