Une brèche dans l’isolement carcéral imposé à Abdullah Öcalan depuis 8 ans

Les grèves de la faim, effrayantes, désespérées, ont fini par obtenir un résultat : les avocats d’Abdullah Ocalan ont été enfin autorisés à rencontrer leur client le 2 mai dernier, pour la première fois depuis 8 ans. La dernière rencontre remontait au 27 juillet 2011. Et c’est pour rompre cet isolement carcéral total que des grèves de la faim étaient menées, à l’appel de Leyla Güven, députée du HDP à Hakkari (8 novembre 2018), à Strasbourg (depuis de 17 décembre 2018) et par plus de 7 000 détenus politiques dans les prisons turques.

Message d’Abdullah Öcalan

Dans son message, transmis par ses avocats depuis sa prison sur l’ile d’Imrali, Abdullah Öcalan va décevoir tous les va-t-en-guerre qui s’agitent dans tous les camps en élevant le débat au niveau de la nécessaire réconciliation par la négociation et en demandant de s’abstenir de “toute culture de conflit”. Il invite chacun à revenir à la table de la négociation ouverte en 2013 et brutalement fermée par le président Erdoğan en 2015. C’est un message fort qui mérite d’être entendu par nos dirigeants. Malgré ses vingt ans de cachot, la lucidité d’Abdullah Öcalan est intacte, son message est celui non pas d’un chef de guerre, mais d’un homme d’Etat :

Une réconciliation sociale profonde est nécessaire dans le cadre de ce processus historique. Un processus de négociation démocratique est absolument nécessaire, loin de toute polarisation et culture de conflit, pour la résolution des problèmes. Nous pouvons résoudre les problèmes en Turquie, et même dans la région, à commencer par le problème de la guerre, avec la force intellectuelle, politique et culturelle, et non avec des instruments de violence physique. Nous pensons que, avec les Forces démocratiques syriennes (SDF), il faut chercher à résoudre les problèmes en Syrie en s’abstenant de toute culture de conflit et dans la perspective de la démocratie locale qui doit être garantie par la Constitution, dans le cadre de l’unité de la Syrie. A cet égard, il faut également être attentif aux préoccupations de la Turquie. Tout en rendant hommage à la résistance des amis dans les prisons et à l’extérieur, nous tenons à souligner qu’ils ne doivent pas mettre en jeu leur santé et leur vie. Pour nous, leur santé mentale, physique et spirituelle est plus importante que tout. Nous pensons que l’approche la plus significative est liée au développement d’une attitude mentale et spirituelle. Notre position à Imrali est d’approfondir et de clarifier le mode d’expression que nous avons défini dans la déclaration de Newroz 2013 et de continuer sur cette voie. Pour nous, une paix digne et une solution fondée sur la politique démocratique sont primordiales. Nous sommes reconnaissants et rendons hommage à toutes les personnes qui se sont inquiétées de notre situation et qui ont réagi.

Il faut savoir terminer une grève, mais la lutte continue

Comme en 2012, Abdullah Öcalan demande à ses compagnons de lutte de ne pas mettre pour lui leur santé et leur vie en danger en continuant leurs grèves de la faim. “Il faut savoir terminer une grève dès que la satisfaction a été obtenue. Il faut même savoir consentir au compromis si toutes les revendications n’ont pas encore été acceptées mais que l’on a obtenu la victoire sur les plus essentielles revendications”. On reprend souvent la première partie de la phrase historique prononcée par Maurice Thorez (“Il faut savoir terminer une grève”) en oubliant la suite. Mais comment fait-on au terme d’une grève qui dure depuis plusieurs mois quand on n’a rien obtenu ? Nous n’en somme plus là. Les grévistes de la faim, dont il faut saluer le courage, ont obtenu un premier résultat. Il faut savoir terminer une grève mais la lutte continue et rappeler les revendications : visite du CPT (Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants) à Abdullah Öcalan et fin de l’isolement total, fin de l’invasion turque au Rojava, libération de tous prisonniers politiques en Turquie.

André Métayer