6 jours avec les Yézidis réfugiés à Diyarbakir

Les Amitiés kurdes de Bretagne sont allées à la rencontre des Yézidis réfugiés à Diyarbakir en avril dernier, lors de leur 21° mission. Venant de la région de Sinjâr (Kurdistan d’Irak), ces adeptes d’une religion monothéiste dont les croyances s’apparentent au zoroastrisme, ont été la cible d’attaques particulièrement meurtrières du prétendu “Etat islamique” et contraints de fuir, notamment au Kurdistan Nord. L’Union des Municipalités du Sud-est anatolien (GABB) a dû faire face, dès le mois d’aout 2014, à un afflux important de réfugiés. A cette fin, la Mairie métropolitaine de Diyarbakir a ouvert ce camp, le camp de Fidanlik, situé sur la route de Mardin, à 7 km du centre ville. Répondant à l’appel de Mme Gültan Kisanak, maire de Diyarbakir, Le Conseil municipal de Rennes avait, dès le 13 octobre 2014, voté une aide de 30 000 euros et les Amitiés kurdes de Bretagne avait lancé un appel aux dons. Gaël Le Ny, dans le cadre de cette mission des AKB, a prolongé le contact et partagé durant 6 jours la vie de ces réfugiés de la région de Sinjâr. Il rapporte, photos à l’appui, des informations puisées à la source.

André Métayer

Gaël Le Ny :

La population du camp de Fidanlik, essentiellement yézidie, ne peut être chiffrée précisément car il y a des familles qui arrivent tous les jours, mais les responsables l’estiment dans une fourchette de 3 500 et 4 000 personnes. Ce sont des familles élargies qui comptent souvent trois générations. D’un point de vue administratif, les réfugiés yézidis sont des citoyens irakiens ayant fui devant l’avance des djihadistes et à qui le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) a délivré le statut de réfugié, ce qui leur donne le droit de résider en Turquie, mais qui ne permet pas de travailler. Les réfugiés sont entièrement à la charge de la municipalité métropolitaine de Diyarbakir car le gouvernement turc n’apporte son soutien qu’aux réfugiés arabes de Syrie et les ONG ne sont pas autorisées à intervenir.

Les services de base sont-ils assurés ?

GLN :

Oui les services de base sont là, mais ce n’est pas la panacée. Ce qui fait cruellement défaut dans le camp, c’est avant tout un suivi médical par une équipe de médecins qui travailleraient à demeure dans le dispensaire du camp. Le statut de réfugié ne donne droit aux Yézidis à aucune couverture santé et un praticien qui viendrait donner des consultations gratuites de façon régulière risquerait de perdre sa licence. Les professionnels présents dans le dispensaire sont donc là occasionnellement ou en formation. Il y a urgence à apporter une solution à ce problème récurrent.

Le nombre d’enfants est important : que peut-on faire pour eux ?

GLN :

Avec la santé l’autre problème majeur est la scolarisation. Aucun des enfants du camp n’est scolarisé depuis des mois. Il n’y a pas de place pour eux dans les écoles publiques et, quand bien même ils y seraient acceptés, la scolarisation serait difficile puisque nous sommes en Turquie et que l’enseignement se fait obligatoirement en turc. Une autre difficulté réside dans la localisation du camp qui se trouve à une demi-heure de transport en commun de Diyarbakir. Il y a donc urgence à trouver une solution spécifique. Une des conséquences de cette déscolarisation est le désœuvrement. Les activités récréatives et culturelles sont encore embryonnaires. Le sport est une réponse et on peut voir que les terrains de football, de volley-ball et de basket-ball ne désemplissent pas. Pour autant, il reste à faire un gros travail pour créer une structure d’animation et trouver les moyens financiers indispensables.

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Quel avenir pour ces réfugiés yézidis ?

GLN :

Loin de tout, sans droit au travail, leur avenir est sombre, d’autant plus qu’ils ne croient pas possible au retour dans les monts de Sinjâr. Du moins pour l’instant. La réalité est celle-là, elle est nue. Les Yézidis n’ont plus maintenant qu’un bout de papier émanant de l’UNHCR qui leur signifie leur statut de réfugié mais qui ne leur donne aucun droit dans le pays où ils résident. Ce qu’il faut à la population du camp de Fidanlik Park, c’est un espoir de pouvoir quitter le camp, qui ne peut être qu’une solution de transit, d’émigrer et ce le plus rapidement possible, vers un pays de la communauté européenne, afin de commencer une nouvelle vie, là ou ailleurs, et pourquoi pas dans les monts de Sinjâr, quand la situation le permettra à nouveau.