A propos des fraudes électorales : l’inscription irrégulière de militaires

Nous avons déjà publié un certain nombre d’informations rapportées par la délégation des Amitiés kurdes de Bretagne qui était sur place, dans la région de Sirnak, au moment des élections et qui corroborent la déclaration du BDP au sujet des manipulations et autres irrégularités. La délégation a noté notamment l’omniprésence de l’armée, créant un climat de tension bien supérieur à celui qui régnait lors des élections de 2009. La délégation, en accompagnant les délégués du parti BDP, a noté également l’inscription massive de militaires dans certains bureaux de vote, révélant une volonté manifeste de fausser le scrutin :

Senoba : 170 militaires inscrits deux jours avant. Le mouvement kurde a protesté et n’a pu en faire retirer que 40. C’est l’AKP qui tient cette mairie.

Hilal : La présence des militaires est importante à l’entrée et dans les bureaux de vote. Sur 1 259 votants, 147 sont militaires. Sur ces 147 militaires, 129 ont été ramenés d’ailleurs (la garnison est habituellement composée de 18 militaires).

Çeman : présence de militaires avec armes à l’intérieur des bureaux de vote. Les fonctionnaires ont expliqué les règles que des jeunes ont contestées, le ton est monté. Les fonctionnaires ont appelé les militaires pour assurer la sécurité.

Beytüşşebap : dans le bureau 1011 il y avait 314 militaires inscrits pour voter et seulement 7 civils. Ils ont été tous regroupés dans un bureau. Ils sont venus voter en uniforme soit disant parce qu’ils n avaient pas le temps de se changer. Pour ma part c’était oppressant de voir tous ces militaires ! Ils déposaient leurs mitraillettes bien rangées les unes à côtés des autres. Dans un autre bureau, 700 votants qui viennent de l’extérieur, inscrits juste avant les élections. Certains militaires viennent avec une photocopie d’une pièce d’identité pour voter, alors qu’ils n’ont aucune fonctions dans la région, d’autres prennent en photo leur bulletin de vote en faveur de l’AKP.

Le préfet est venu et voulait que les policiers entrent dans les bureaux de vote, le ton est monté, la tension aussi. Au final, les policiers sont restés dans les couloirs.

A notre départ, un blindé est arrivé avec 4 policiers à bord qui en sont descendus et qui ont pris la direction du bureau de vote.

Nous sommes partis de Sirnak pour aller jusqu’à Beytüşşebap par Roboski, une route de montagne en très haute altitude. Tempête de neige. Nous avons traversé beaucoup de petits villages, mais là changement de décor, le contraste est saisissant : les militaires ne font que passer et ne s’arrêtent pas. Armés jusqu’aux dents, gilets pare-balles, casques et boucliers, ils sont par dizaines dans les remorques de camions. On dirait que la peur a changé de camp.

Malgré les tricheries, la pression militaire, le pouvoir aura de la peine à arrêter le train en marche du BDP. Un seul mot d’ordre, un seul objectif : “l’autonomie démocratique”.

André Métayer