Carnets d’un combattant kurde, de Stefano Savona

Akif a quitté l’Allemagne pour rejoindre la guérilla du PKK et lutter pour la libération du Kurdistan turc. Il tient le journal des doutes, des rêves et des réflexions politiques que les combattants échangent au fil des marches dans la montagne et des réunions où les filles critiquent les préjugés masculins” (“Cinéma du réel”) [[Le film de Stefano Savona “Carnets d’un combattant kurde”, compétition internationale Cinéma du Réel 2006, Prix International de la Scam ex-aequo, mention spéciale du Prix de Jeunes – Cinéma du Réel 2006, est passé sur Arte le 2 octobre 2006 à 22h05. Il est également programmé à la Viennale, Autriche, 13 – 25 octobre 2006. (d’après Cinéma du Réel, Centre Pompidou).]]

Evidemment, ce film peut agacer les “pro PKK” (nombreux à l’intérieur et à l’extérieur du Kurdistan) qui vont trouver ce documentaire pas assez mobilisateur, et indisposer les “anti-PKK” (qu’on trouve aussi, y compris dans les medias) par son côté jugé trop partisan.

Malgré les longueurs, le ton monocorde et le côté “surréaliste”, par moment, j’ai aimé ce film profondément humain, cernant au plus près la mentalité kurde et le pourquoi des engagements, sans gommer doutes, impatiences et même les incompréhensions :

il peut continuer à filmer, dira Siyar, le chef du groupe, nous n’avons rien à cacher…

sauf deux ou trois choses quand même ! Le décès du père d’une des deux filles du groupe, Ozgür (tué au combat ? “liquidé” par le PKK ?) et la sexualité dans le groupe, sujet qui reste “tabou” chez les Kurdes.

Les marches sont épuisantes, même pour le spectateur, et l’attente est longue, mais toutes les énergies sont bandées pour atteindre l’objectif : “VIVRE LIBRE”. Le combat pour la libération du Kurdistan passe par les armes à la main mais rejoint la lutte politique pour la démocratie et l’égalité des sexes : les femmes, au premier rang, luttent contre “l’esprit féodal” et le PJA (Parti de la Femme Libre) apparaît comme une organisation très (trop ?) militarisée.

En faisant place à la peur, aux doutes, et même au désespoir, ce film s’éloigne des films de propagande contre-productifs et donne une vision plus humaine des situations. Les Kurdes ont la faculté de vous raconter avec une légèreté désarmante – je l’ai constaté maintes fois – des choses terrifiantes : j’aurais aimé filmer l’échange de regards (“plus d’une minute”) entre une combattante kurde, telle qu’elle le raconte, mal dissimulée au creux d’un rocher, et le soldat turc “qui ne fit aucune geste vers son arme” et qui finit par crier à son commandant qu’il n’y a personne de ce côté. Et que dire de la scène où le combattant vise avec son arme, comme le raconte Aram, un autre combattant et qu’il sait qu’il va tuer non pas un ennemi mais un autre être humain, mettant en cela en cause une des règles de base qu’on lui a inculquée pour sa survie :

En temps de guerre, Il faut tuer pour ne pas être tué ?

La vénération envers “Apo”, Abdullah Öcalan est quasi religieuse : on ne peut le voir, on ne peut le toucher (il est incarcéré depuis 1999) mais il est là, partout, même dans les rêves, il parle, il mobilise, il est le seul à pouvoir imposer une trêve, même si cet ordre trouble les combattants et les combattantes qui piaffent d’en découdre.

L’épilogue est douloureux mais n’affadit pas le message. Ceux qui partent pour le Dersim seront tués avant d’atteindre l’objectif. Akif et Ozgür “quitteront le mouvement” et les autres continueront le combat.

Mais n’est-ce pas là aussi la dure réalité de la vie ?