Erdoğan a déclaré la guerre au peuple kurde

Le témoignage émanant d’une personnalité telle que Mme Gültan Kışanak ne peut être mis en doute. Cette militante de la première heure pour une solution politique à la question kurde, successivement députée de Diyarbakir, co-présidente du BDP (Parti pour la Paix et la Démocratie) et aujourd’hui co-maire de la ville métropolitaine de Diyarbakir et co-présidente du GABB (Union des Municipalités du sud-est anatolien) dénonce avec sa franchise habituelle, dans un appel à la solidarité internationale, la situation intolérable dans laquelle se trouve la population de Diyarbakir et des autres villes de la région kurde de Turquie.

Des morts et des blessés par centaines, des arrestations par milliers

La guerre est déclarée, ce n’est pas une image, c’est la réalité dans dix-huit villes de plus de 100 000 habitants, dont cinq étaient toujours soumises à des couvre feux implacables le 21 décembre, couvre-feux dont les conséquences sont dramatiques : les civils victimes des forces de « l’ordre » se comptent par centaines ; 200 000 citadins ont fui les zones urbaines de combat ; 5 000 soldats, bientôt 10 000, sont envoyés en renfort dans la seule ville de Şırnak ; l’armée est entrée dans le centre de la ville métropolitaine de Diyarbakir avec des chars et des équipements lourds, qu’on utilise habituellement contre un ennemi puissamment armé ; les ministères de l’Education nationale et de la Santé ont reçu des consignes applicables en temps de guerre.

C’est la réponse du gouvernement islamo-conservateur AKP du Président Erdoğan à une revendication légitime du peuple kurde, celle de mettre en place des structures décentralisées. Le premier ministre Ahmet Davutoğlu (ce “cher” Ahmet, ami des chancelleries européennes) a prévenu : la “rébellion” sera écrasée, “s’il le faut, ces villes seront nettoyées des terroristes, maison par maison” et Erdoğan a promis ” d’ensevelir l’organisation terroriste dans les tranchées qu’elle a creusées”. L’autogouvernance revendiquée par les voies légales de la démocratie est en Turquie un crime de lèse-majesté, qualifié d’acte terroriste et punissable comme tel.

Les manifestations pacifiques visant à protester contre le couvre-feu et les violations des droits humains se heurtent à la brutalité policière et à la répression. Dix-sept co-maires ont été arrêtés, vingt cinq été suspendus de leurs fonctions et six sont en détention depuis juillet 2015

écrit notamment Gültan Kışanak.

Les demandes concrètes et urgentes de Gültan Kışanak

Pour prévenir une hécatombe et stopper les violations des droits et ce avant qu’il ne soir trop tard, Gültan Kışanak demande concrètement et de façon urgente :

  • que les médias internationaux, les agences de presse, les journalistes viennent sur place, dans les zones de conflit, enquêtent et publient leur rapports ;
  • que les organisations gouvernementales et non gouvernementales travaillant sur les droits humains envoient, ensemble, des délégations ;
  • que des délégations internationales viennent rendre visite aux co-maires emprisonnés et enquêtent sur leurs conditions de détention et sur la validité de la procédure judiciaire ;
  • que les acteurs internationaux agissent de toute urgence auprès des parties concernées afin d’obtenir, pour toutes les zones urbaines, le retrait immédiat des forces armées et des armes lourdes, et à terme une possible trêve bilatérale ;
  • que tous les gouvernements rompent le silence et demandent au gouvernement turc de relancer les pourparlers de paix auxquels il a mis fin en juillet 2015.

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Nathalie Appéré, maire de Rennes, réaffirme la solidarité des Rennaises et des Rennais

Nathalie Appéré, maire de Rennes, a accueilli le 3 décembre dernier Gültan Kışanak. A cette occasion, la Ville de Rennes a réaffirmé son soutien à la reconnaissance de l’identité kurde et des droits des Kurdes dans le cadre des frontières existantes et au respect des Droits de l’homme en Turquie. Dans un communiqué en date du 24 décembre, Nathalie Appéré s’alarme de l’escalade de la violence à Diyarbakir : c’est avec la plus grande inquiétude que je vois évoluer la situation au sein du district de la municipalité de Diyarbakir, qui est le théâtre de nombreuses scènes de violence et de guérilla urbaine.

Je souhaite faire part de ma vive émotion devant les témoignages qui font état de nombreuses victimes civiles. Mardi encore, plusieurs milliers de personnes qui manifestaient contre le couvre-feu auquel est soumis Diyarbakir ont été brutalement dispersées.

Au début du mois de décembre, j’ai pu rencontrer mon homologue Gültan Kışanak, qui avait tenu à se rendre à Rennes, malgré les vives tensions qui menaçaient déjà sa ville. Cette rencontre nous a permis d’envisager de nouveaux projets de coopération et d’acter une aide supplémentaire de Rennes pour permettre l’accueil des nombreux réfugiés syriens qui affluent à Diyarbakir.

Au nom des liens qui unissent nos deux villes depuis 30 ans et dans ce moment particulièrement difficile, je veux réaffirmer la solidarité des Rennaises et des Rennais avec nos amis de Diyarbakir et notre attachement inlassable à une solution pacifique au conflit, dans le respect de la culture kurde et des frontières existantes.

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Soutien de Lena Louarn : “je suis émue mais j’ai aussi honte”

Lena Louarn, Vice-présidente du Conseil régional de Bretagne, a tenu à manifester son soutien lors de la marche organisée à Rennes le 19 décembre dernier et s’est dite émue par le calvaire “insoutenable” que vivent les Kurdes :

émue car la violence dont l’Etat turc – je devrais dire la dictature, car c’en est une – fait preuve contre ses propres citoyens est inimaginable : encercler des villes entières, les incendier comme Cizre, Silopi, Nusaybin, tirer sur les maisons avec des tanks ou depuis des hélicoptères, tirer sur les civils, y compris les enfants et les vieillards… quel pays au monde peut se permettre cette barbarie sans que personne ne lui dise rien ? Je suis émue mais j’ai aussi honte par conséquent, honte de ce silence assourdissant dont font preuve les gouvernements européens, nos gouvernements, pourtant prompts à dénoncer, quand cela les arrange, les violations des droits humains perpétrées par d’autres régimes.

Lena Louarn souhaite le développement de la solidarité, notamment entre le peuple breton et le peuple kurde :

si nous ne vous soutenons pas dans votre lutte, si nous laissons le fascisme intégriste, quel qu’il soit, gagner là-bas, au bout de combien de temps devrons-nous aussi faire face au retour d’une dictature barbare ? C’est notre devoir d’aide le peuple kurde à gagner sa liberté. Poent eo stourm, poent eo sevel a–enep an euzhvil ! Il est temps de se battre, de se dresser contre la barbarie

conclut Lena Louarn.

André Métayer