Erdoğan allié objectif de l’Etat islamique

La Turquie a été contrainte de mettre fin à son opération “Bouclier de l’Euphrate” au Rojava (Kurdistan de Syrie), qui visait à empêcher la réunification des cantons kurdes et, plus largement, à éradiquer toute résistance kurde, considérée par Erdoğan comme “terroriste”, fût-elle employée à combattre les djihadistes de l’Etat islamique (EI).

La Russie, en effet, en déployant des troupes dans les régions d’Afrîn et à l’ouest de Manbij, a interdit de facto toute avance des troupes turques engagées dans l’opération et, de leur côté, les Etats-unis ont déployé des forces supplémentaires à l’ouest de Raqqa, en préparation de l’assaut sur Tabqa. Devant l’impossibilité de se confronter directement aux Russes, aux Syriens ou aux Américains, ces derniers refusant même d’intégrer des unités turques dans leur opération contre Raqqa, Erdoğan annonçait son retrait par un communiqué de “victoire”. Dépité mais revanchard, il lança donc deux opérations des plus meurtrières, quitte à montrer au monde entier que son objectif premier n’est pas de combattre l’EI mais d’éradiquer toute résistance kurde, qu’elle soit en Turquie, en Syrie ou en Irak.

Bombardements turcs au Rojava…

Dans la nuit de lundi à mardi, des frappes aériennes turques ont atteint les combattants kurdes en Syrie, tuant 20 combattants et faisant 18 blessés, dont 3 grièvement, dans une base des YPG (Unités de Protection du Peuple) à Karachok, au sud de la ville de Derîk. L’AFP précise :

l’attaque en Syrie, lancée contre les Unités de protection du peuple kurde (YPG) dans le nord-est du pays en guerre, est l’une des plus meurtrières menées dans ce pays par la Turquie. Elle est intervenue au lendemain de l’entrée des Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance arabo-kurde composée en grande partie de membres des YPG, dans la ville de Tabqa, un verrou sur le chemin vers Raqqa, capitale de facto du groupe Etat islamique (EI) en Syrie.

Cette attaque suscite la colère des combattants :

il est impensable que nous combattions sur un front aussi important que Raqqa et qu’au même moment les avions turcs nous attaquent,

a déclaré à l’AFP un commandant kurde des YPG.

L’Assemblée démocratique syrienne (MSD) dénonce, elle aussi, la duplicité de la Turquie :

ces attaques démontrent que la Turquie cherche à neutraliser l’opération de Raqqa afin de laisser à l’EI le temps de souffler.

et sur le mont Sinjar (Kurdistan d’Irak)

Les raids de l’armée turque sur le mont Sinjar (bases et villages d’Amûd et Geliyê Kersê) suscitent également incompréhension et colère, dénoncés comme “inacceptables” par les forces kurdes (peshmergas) du Gouvernement régional du Kurdistan d’Irak, qui ont perdu cinq des leurs, tandis que les Forces de Protection de Sinjar (YBS) ont perdu un homme. 2 civils ont également été tués.

Cette région de Sinjar est la terre d’asile pour les Yézidis et un point stratégique dans la lutte contre les djihadistes. Rappelons que les Yézidis auraient été exterminés lors de la prise de la ville de Sinjar par l’Etat islamique, le 3 août 2014, si les YPG venus de Syrie et les HPG (PKK) venus de Turquie n’étaient pas parvenus à ouvrir un corridor et les exfiltrer, avec le soutien de l’aviation américaine.

Le porte-parole du département d’Etat, Mark Toner, a fait part de sa réprobation :

nous sommes très préoccupés, profondément préoccupés par le fait que la Turquie ait mené des frappes aériennes dans le nord de la Syrie et dans le nord de l’Irak, sans coordination adéquate ni avec les Etats-Unis ni avec la coalition mise en place pour défaire le groupe Etat islamique et d’ajouter que ce genre d’action sape franchement les efforts de la coalition contre l’EI.

Le coprésident du Parti de l’Union démocratique, Saleh Muslim, a de son côté appelé les forces de la Coalition à clarifier leur position.

André Métayer