Le Rojava à Moscou : un tournant ?

Khaled Issa, représentant de l’auto-administration du Rojava (Kurdistan de Syrie) en France, avait été invité par l’Association “Amitiés Kurdes de Lyon” (AKL) vendredi 27 janvier à animer, avec André Métayer, président des Amitiés kurdes de Bretagne, une réunion publique à la Mairie du 1er arrondissement de Lyon, à l’occasion du 2° anniversaire de la Libération de Kobanê. Mais c’est son bras droit, Baker Ibrahim Alkardo, qui a été dépêché à Lyon, Khaled Issa étant appelé à Moscou, invité à rencontrer Sergueï Lavrov, chef de la diplomatie russe.

Un public attentif était là, accueilli par Thierry Lamberthod, co-président des AKL, qui a rappelé les buts de l’association (notamment “comprendre les revendications du peuple kurde et les faire connaitre auprès de l’opinion publique”) et par Laurence Boffet, élue municipale, qui a souligné combien la municipalité du 1er arrondissement de Lyon était attachée à la solidarité internationale.

Baker Ibrahim Alkardo a, bien sûr, exposé la situation de Kobanê et l’évolution de la situation au Rojava, tant sur le plan militaire que dans la mise en place, concrètement, d’une gouvernance basée sur une démocratie participative et décentralisée, sur un modèle social, l’autonomie démocratique, pluriethnique et multiconfessionnelle. Mais il a également donné quelques indications sur la rencontre qui se déroule au même moment à Moscou : la Russie proposerait un projet de nouvelle constitution pour la Syrie. Alors que la Turquie s’est opposée à la présence d’une délégation de Kurdes de Syrie aux pourparlers d’Astana, une délégation comprenant Khaled Issa pour l’auto-administration et Abdulsalam Ali, représentant du PYD (que la Turquie qualifie de « terroriste »…) à Moscou, a été invitée pour préparer la participation des représentants du Rojava aux négociations qui débuteront à Genève le 8 février sous l’égide de l’ONU. La Russie défendrait la proposition, chère aux Kurdes, d’un Etat fédéral en Syrie (où le Rojava bénéficierait de son autonomie) avec un bilinguisme (arabe et kurde) dans le pays. Par ailleurs, autre point important réclamé jusqu’à lors vainement par les Kurdes : la “République arabe de Syrie” s’appellerait désormais “République syrienne”. C’est donc un véritable tournant qui est peut-être en train de s’opérer dans l’histoire de la région.

Enfin André Métayer a rappelé les liens fraternels qui unissent les Amitiés kurdes de Bretagne et de Lyon et, au nom de la Coordination nationale Solidarité Kurdistan (CNSK) qu’il représente, a cité les nombreuses actions de solidarités menées par les 19 organisations de la CNSK qui de déroulent sur tout le territoire. Paris, Marseille Grenoble, Strasbourg, Nantes, Lorient, Pouzauges (Vendée), et bien d’autres, sans oublier Lyon et Rennes. “Pour être crédible, il faut être ouvert à tous, et être instrumentalisé par personne”, a-t-il martelé. Il a particulièrement insisté sur quelques points importants : solidarité avec les victimes de la répression en Turquie (parrainage des élu-e-s embastillé-e-s par des élu-e-s en France, cartes postales aux emprisonné-e-s, entre autre exemples), missions d’information et de solidarité dans les différentes parties du Kurdistan. Il a notamment encouragé fortement à organiser les délégations pour se rendre “là-bas” au l’occasion du Newroz, le 21 mars prochain.

Le débat qui a suivi a montré l’attention et l’intérêt du public présent.

L’année prochaine, pour le troisième anniversaire, c’est un Rojava autonome au sein d’une République syrienne fédérale et démocratique que nous pourrions fêter ? On n’ose le formuler mais… c’est dans toutes les têtes.

Gilles Lemée