Le triple assassinat de Rojbin, Sakine et Leyla ne peut rester impuni

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Le triple assassinat le 9 janvier 2013, en plein Paris, de trois militantes kurdes, Rojbin, Sakine et Leyla, avait soulevé une très grande émotion en France, en Europe mais aussi en Turquie et la délégation des Amitiés kurdes de Bretagne, qui s’était rendue en avril de la même année au Kurdistan, avait été témoin de l’incompréhension des Kurdes et rudement interpellée : “pourquoi ne les avez-vous pas protégées ?”.

L’émotion n’est pas retombée au Kurdistan

L’émotion n’est pas retombée et notre délégation a pu le constater en se rendant cette année, pour la vingtième fois, non seulement à Diyarbakir mais aussi, au plus profond du pays kurde, dans les régions frontalières avec l’Irak et la Syrie et non loin de l’Iran, à la rencontre des tisseuses de Hakkari. La délégation, comme le raconte Marie Brigitte, responsable du groupe, a été accueillie avec gentillesse et discrétion et a partagé le quotidien de ces travailleuses au métier éprouvant, fières d’être des militantes de la cause de leur peuple à travers leurs kilims. Elles ont vécu le pire, l’évacuation forcée de leurs villages bombardés par l’Etat turc, la séparation de leurs familles, 1-dscf3149_1_.jpg

et voilà qu’elles s’emparent du quatre pages consacré par les AKB à Rojbin, Sakine et Leyla : elles découvrent la photo de Rojbin en même temps que le très beau poème écrit, en kurde, par son père et, en un seul chœur, elles commencent à le lire : leurs voix tremblent mais c’est un moment très émouvant d’entendre l’hommage de ces trois jeunes femmes à trois autres jeunes femmes assassinées, là-bas à Paris, très loin de Hakkari et pourtant soudain tellement proche !

La sénatrice Éliane Assassi, présidente du groupe Communiste, républicain et citoyen, a eu raison d’interpeller Christiane Taubira, Garde des Sceaux, lors des questions orales le 29 avril 2014, pour demander que les familles de Rojbin, Sakine et Leyla soient reçues par les hautes autorités de l’État. Et de rappeler que ces trois militantes kurdes luttaient pour la reconnaissance des droits politiques et culturels de leur peuple :

les autorités de la République exprimeraient leur compassion et prendraient en considération leur souffrance. Elles reconnaîtraient leur statut de victimes. Elles enverraient également un message clair aux commanditaires : non, La France ne laissera pas ce crime impuni.

Ce crime odieux ne peut pas rester impuni

Christiane Taubira a tenu, dans sa réponse, à saluer le courage de ces militantes qui “forcent le respect” et à exprimer sa compassion à l’égard des familles. Elle a fait part de sa détermination pour que ce crime ne reste pas impuni et énuméré tous les moyens mis en œuvre par l’État concernant le traitement de l’enquête. Elle a notamment assuré que les trois juges d’instruction disposaient de tous moyens d’agir. Mais elle ne veut pas prendre le risque de fragiliser l’enquête en recevant les familles, la partie adverse pouvant en tirer argument pour contester le déroulement neutre et indépendant de cette procédure. Et de conclure :

merci de me donner l’occasion de dire, au nom de tout le gouvernement, toute notre attention, notre respect, notre compassion, mais surtout notre détermination à ce que la vérité soit établie.

Si la Garde des Sceaux, liée à un devoir de réserve, ne peut recevoir les familles, rien n’empêche que ces mêmes familles soient reçues par un autre membre du gouvernement, voire même par le Premier Ministre, ancien ministre de l’Intérieur; ou même par le Président de la République, comme le veut l’usage quand l’honneur de la France est engagé.

André Métayer

Les organisations kurdes et les Amis du peuple kurde en Alsace ont manifesté le 23 avril dernier à Strasbourg pour exiger que justice et vérité soient faites.