“Reconnaissez que le peuple yézidi est victime d’un génocide”

Nadia Murad Basee Taha a été nommée ambassadrice de l’ONU pour la dignité des victimes du trafic d’êtres humains. Cette jeune femme kurde de religion yézidie avait été enlevée en Irak et réduite à l’état d’esclave sexuelle par le groupe Etat islamique (EI). Elle avait déjà été entendue le 16 décembre dernier par le Conseil de sécurité de l’Onu et nominée pour le prix Nobel de la paix.
Nadia a vécu l’enfer pendant trois mois en Irak comme esclave sexuelle d’un combattant de l’EI. Elle a fait partie de ce millier de filles kidnappées par les djihadistes.

Le moment le plus dur que j’ai vécu avec Daesh, c’était le premier jour, quand ils ont tué six de mes frères et ma mère… Au début, ils nous ont réparties entre les combattants de Daesh.(…) Ils nous considéraient comme des marchandises. Ils nous louaient à d’autres hommes, c’est ainsi que les viols ne cessaient jamais,

explique la jeune femme.

Après une première tentative infructueuse, elle a fini par déjouer la surveillance de l’homme qui l’avait achetée et fuir jusqu’en Europe.

La nomination de Nadia au rang d’ambassadrice a été officialisée vendredi au siège des Nations-unies à New York, à l’occasion de la Journée internationale de la Paix. C’est la première fois qu’un survivant d’atrocités est nommé à cette fonction.

Le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a souligné :

Nadia est une ardente et infatigable défenseure du peuple yézidi et des victimes de la traite des personnes où qu’elles soient. En tant qu’Ambassadrice de bonne volonté, elle se concentrera sur des initiatives de plaidoyer et de sensibilisation sur le sort des innombrables victimes de la traite des personnes, en particulier les réfugiés, les femmes et les filles.

La nouvelle ambassadrice, quant à elle, n’a pas manqué de rappeler que près de 3 500 Yézidis, dont des femmes, des jeunes filles et des enfants, ont disparu et qu’ils ne font l’objet d’aucune recherche :

actuellement, le monde entier voit ce que représente Daesh. Dans le même temps, à ce moment précis, des jeunes filles et des femmes sont violées. La conscience de l’humanité ne s’est pas encore réveillée et il n’y a personne pour sauver ces femmes.

Elle demande aux Nations-unies de qualifier d’acte génocidaire les massacres perpétrés par l’Etat islamique sur les populations yézidies.

Rappelons que le Parlement européen, dans sa résolution adoptée le 4 février 2016,

souligne que le soi-disant groupe « EIIL/Daesh » commet un génocide contre les chrétiens et les Yézidis et d’autres minorités religieuses et ethniques qui ne partagent pas son interprétation de l’islam et prie instamment les membres du Conseil de sécurité des Nations unies de soutenir la saisine de la Cour pénale internationale par le Conseil de sécurité.

Les Amitiés kurdes de Bretagne, qui ont à plusieurs reprises agi en faveur des réfugiés yézidis, ont rappelé sur ce site que plus de 2 millions de Yézidis vivaient dans le monde au 18éme siècle, que leur principal foyer de population se trouvait alors dans les montagnes de Shengal, là où, deux siècles plus tard, des milliers de réfugiés chrétiens, syriaques et arméniens trouveront refuge face à la barbarie de l’armée turque. Ce sont ces terres-refuges que les Yézidis ont dû fuir par milliers il y a deux ans lors de l’attaque de l’Etat islamique. Il s’agit du 74° massacre dont ils sont victimes depuis 1 400 ans.

André Métayer