Référendum en Turquie : une farce tragique

En entérinant les résultats du référendum du 16 avril, le Haut conseil électoral turc vient de cautionner “la fraude la plus massive de l’histoire de la boiteuse démocratie turque depuis 1946”, comme l’écrit Kendal Nezan, président de l’Institut kurde de Paris (Liberation 24/04/2017) : “plus personne n’est dupe, y compris le très prudent Conseil de l’Europe, qui a décidé le 25 avril de placer la Turquie sous surveillance”. Les chiffres relevés par le président de l’Institut kurde de Paris sont éloquents :
• invalidation de près d’un million de bulletins en grande majorité en faveur du “non” ;
• prise en compte de plus de deux millions de bulletins frauduleux, “non” estampillés, en faveur du “oui” ;
• 2,5 millions de votes manipulés, soit le double de la marge annoncée de la victoire du “oui”.
“La fraude a surtout été massive et systématique au Kurdistan, soumis à un régime d’occupation militaire” :
• la manipulation des listes électorales et la «réorganisation» les bureaux de vote ont été facilitées par la mise à l’écart du HDP, littéralement décapité quelques mois avant ce scrutin décisif : 13 députés emprisonnés, 84 maires élus, destitués et placés en détention préventive ainsi que plus de 3 000 autres élus et responsables de ce parti ;
• dans les fiefs de HDP, les bureaux de vote ont été déplacés vers des quartiers “sécurisés” ou mutés vers des villages tenus par des milices pro-gouvernementales ;
• dans 2 645 bureaux de vote, on a dénombré plus de votants que d’électeurs inscrits ;
• dans 960 bureaux, le “oui” l’a emporté avec 100% des voix !
• on a voté également à la place des quelque 500 000 Kurdes déplacés ;
• dans plus de 10 000 procès-verbaux les votes “oui” et “non” ont été inversés.

Que dire des temps de parole accordés sur les chaines télévision publique TRT :
• 2 511 minutes en faveur du “oui” ;
• zéro minute en faveur du “non”.
Les chaînes privées, contrôlées par le pouvoir, ont adopté la même approche.

Dans certaines provinces kurdes comme celle d’Urfa, aucun meeting électoral en faveur du “non” n’a pu se tenir “en raison de l’état d’urgence”, mais nombre de rassemblements en faveur du “oui”, placés sous haute protection policière, ont été retransmis par les télévisions.

“Le Président turc rêvait d’un sacre électoral légitimant sa stature de sultan élu. Sa marche qui se voulait triomphale s’est transformée en une pitoyable et déshonorante farce”.

Mais rien, ni personne ne semble pouvoir arrêter Erdoğan. Il vient de faire prolonger de trois mois par le Parlement l’état d’urgence pour la troisième fois consécutive. C’est “le putsch permanent” où la violence est la règle. L’État de droit n’existe plus en Turquie. C’est une évidence dont il faut tirer toutes les conséquences.

André Métayer