Relations brisées : rien ne va plus entre le PDK de Barzani et les Yézidis du Sinjar

La situation de notre peuple à Sinjar, en Irak, est bien connue. En 2014, nous avons été attaqués par Daech après que les Peshmergas du PDK de Barzani et l’armée irakienne nous aient laissés sans défense. Daech a commis un génocide contre notre peuple. Nous devons notre libération aux combattants kurdes des YPG syriens et du PKK, qui ont sauvé beaucoup de nos gens. Malgré cela, nous ne nous sommes pas tous enfuis. Ceux d’entre nous qui étaient capables de se défendre ont été équipés par les YPG. De cette façon, nous avons créé nos forces d’autodéfense (YBŞ & YJŞ) sur la montagne de Sinjar. Nous avons, pas à pas, chassé Daech loin de nous et avons créé notre propre conseil de Sinjar. En 2015/2016, les Peshmergas du PDK sont revenus et ont refusé d’accepter les structures et les forces d’autodéfense que nous avions créées. Leur but est et reste, avant tout, de nous dominer, et non de nous libérer. Les réfugiés qui sont sur le chemin du retour sont toujours arrêtés par le PDK. Le PDK n’autorise pas l’aide et la reconstruction dans les zones qui sont protégées par nos propres forces et régies par notre propre Conseil. Depuis la nuit du 2 mars, les peshmergas du PDK de Barzani, président du gouvernement régional du Kurdistan (KRG), attaquent les forces yézidies des YBŞ/YJŞ à Sinune, Khanesor et Sinjar. Cette dernière action vise à briser toute volonté d’autonomie des Yézidis. Elle fait suite à la visite de Barzani à Erdoğan.

Cet appel urgent du conseil yézidi de Sinjar est adressé aux États-Unis, à l’Union européenne et tous les autres partis kurdes ainsi qu’au gouvernement irakien. Cet appel fait référence à la résolution du Parlement européen du 26 octobre 2016, qui plaide pour que cette nouvelle province de Sinjar, Tal Afar et de la plaine de Ninive reçoive un statut spécial d’autonomie, conformément à la constitution irakienne.

Le PDK pourrit la vie des Yézidis

comm_de_prese_kurde-2.pdfLe Gouvernement régional du Kurdistan (KRG) en Irak, dirigé par le président Barzani, qui se maintient illégalement au pouvoir depuis le 19 août 2015, impose des restrictions disproportionnées à la circulation des marchandises à l’intérieur et à l’extérieur du district de Sinjar, reconnait l’organisation non gouvernementale internationale Human Rights Watch (HRW). Les voitures et les camions sont systématiquement arrêtés et fouillés au croisement de Suhaila, le seul point de passage actuellement ouvert pour entrer ou sortir de Sinjar. Interdiction de transporter des biens personnels, même avec des certificats prouvant leur origine. Restrictions drastiques sur tout transport de marchandises, de matériels, et autres biens de consommation courante, pour les particuliers comme pour les artisans, les commerçants ou les agriculteurs. Interdiction de commercer avec le Kurdistan d’Irak. Interdiction aux bergers de faire paître leur troupeau en dehors de Sinjar. Les organisations humanitaires sont aussi souvent empêchées d’apporter vivres, médicaments et autres articles de première nécessité à Sinjar, sauf si elles passent par un organisme de bienfaisance affilié au parti de M. Barzani, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK). Même l’UPK (Union patriotique du Kurdistan) rivale s’est vue refuser l’entrée à Sinjar, alors que son bureau de bienfaisance apportait à la population démunie vivres, vêtements et jouets pour les enfants.

Les tracasseries en tout genre du KRG sont disproportionnées au regard de toute considération sécuritaire et risquent de nuire inutilement aux populations dont on doit garantir l’accès à l’eau, à la nourriture, aux moyens de subsistance et autres droits fondamentaux. Après les attaques dévastatrices de Daech il y a deux ans, les restrictions du KRG sont une autre atteinte sérieuse. Le KRG devrait travailler pour faciliter l’accès à Sinjar pour les centaines de civils yézidis qui souhaitent retourner dans leurs foyers, sans ajouter plus d’obstacles à leur rétablissement,

note dans son rapport Lama Fakih, directrice adjointe de HRW.

Coupables d’intelligence avec l’ennemi

Le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), qui a des racines à Sinjar depuis des décennies, a considérablement augmenté sa présence depuis août 2014. Le PKK a fortement recruté parmi la population locale yézidie de Sinjar pour créer une branche armée locale, les Unités de Résistance de Sinjar (YBŞ). Le PKK et d’autres groupes armés facilitent d’ailleurs l’entrée des marchandises en provenance de Syrie. Cette présence accrue est insupportable pour le PDK. Lors d’une réunion le 14 mai dernier à Suhaila, le président Massoud Barzani a appelé la communauté yézidie à rejeter le PKK hors de la zone. Les dignitaires du PDK ne se cachent pas pour dire, en privé, que les restrictions sont en fait une punition infligée aux Yézidis pour avoir accepté le PKK dans la région. Le 28 août dernier, le ministre des Affaires étrangères du KRG, Falah Mustafa, déclarait à HRW que les mesures de restriction sur le transport des marchandises à Sinjar se justifiait car, selon lui, le PKK et les YBŞ pourraient en bénéficier. Erdoğan met la pression sur le KRG et son premier ministre Nechirvan Barzani, neveu du président, qui exige à son tour le départ du PKK. La guerre est ouverte depuis que ses troupes ont attaqué le 2 mars la ville de Khanesor. L’attaque a été repoussée par les Yézidis. Un bon motif pour les accuser “d’intelligence avec l’ennemi”.

André Métayer