Une semaine de violents combats au Rojava

Depuis le 20 février, de violents combats agitent les cantons de Kobanê et Cêzirê, au Kurdistan occidental (Rojava), entre les djihadistes lourdement armés du prétendu “Etat islamique” (EI) d’un côté, les troupes kurdes des YPG/J de l’autre, appuyées par les Peshmergas du Kurdistan Sud, des bataillons de l’Armée syrienne libre (FSA), le Conseil militaire syriaque (MFS) et l’aviation de la coalition internationale.

Kobanê : progression lente des Kurdes, contre-attaques de l’EI

Sur le front ouest du canton de Kobanê, les forces kurdes ont poussé lentement leur avantage en direction de l’Euphrate pendant la semaine, avec pour objectif final de prendre le contrôle des 3 ponts stratégiques et de neutraliser la menace que constitue Jarabulus, place forte de l’EI. Celui-ci garde pour l’instant le contrôle des trois ponts mais sa présence en rive gauche du fleuve est de plus en plus fragile : les deux gros bourgs de Shexler Juri et Shexler Jur sont assiégés, de petites poches se forment au niveau d’Uwaynah et à l’ouest de Qubbah. Au sud de cette zone, les combats ont été violents toute la semaine au niveau de Qereqozaq, ce pont appartenant à l’axe Alep-Qamishlo étant hautement stratégique. Une curieuse expédition turque s’est déroulée dans la nuit du 21 au 22 février : plusieurs centaines de soldats, des dizaines de blindés ont traversé le canton depuis Kobanê, sous le contrôle et la protection des YPG/J, afin de récupérer le 40 soldats turcs coincés depuis des mois dans la micro-enclave qui abrite le tombeau de Suleyman Shah, ancêtre de la dynastie ottomane. Les soldats turcs ont emporté les restes de Suleyman et ont fait sauter les bâtiments de l’enclave en l’évacuant. Le tombeau a été installé provisoirement au nord du canton, à 100 m de la frontière. Curieusement l’EI s’est abstenu de tirer le moindre coup de feu pendant la phase la plus critique de cette opération rocambolesque…rojava1.jpg

Sur le front sud, les forces kurdes cherchent à prendre le contrôle total de l’axe stratégique Alep-Qamishlo. A l’ouest, l’EI a mobilisé des renforts et mené une contre-attaque le 23 février, reprenant le contrôle de la route et du secteur de Nur Ali (Arsalan Kuy sur la carte). Le 25, une contre-attaque kurde et des bombardements aériens sur Sirîn ont forcé l’EI à reculer mais la situation reste mouvante. Au centre de ce front, la libération de Hamdun a provoqué la constitution d’une poche de l’EI autour du village de Jayl. Enfin, au sud-est, la cimenterie Lafarge est assiégée depuis le 22 tandis que les YPG/J sont parvenus à libérer plusieurs villages aux alentours. Le 27, la coalition a fortement bombardé des renforts de l’EI cherchant à remonter la route depuis Ar Raqqah.rojava2.jpg

Sur le front est se déroulent depuis le début de la semaine les combats les plus violents. Dans la partie nord, l’EI, qui avait massé des renforts depuis une dizaine de jours à Girê Sepî et ne peut imaginer perdre cette ville hautement stratégique (il s’agit du point de passage avec la Turquie qui lui permet de recevoir armes et recrues contre le le passage de pétrole de contrebande et autres trafics), a lancé une contre-attaque très violente le 25 février sur le secteur compris entre Ahmadiyah, Bender Xan et Bafdik. L’EI est parvenu à remonter la route Girê Sepî-Kobanê jusqu’à Bafdik, soit une progression d’une dizaine de km, avant que les YPG/J ne stoppent cette progression à Bafdik le 26 puis lancent une contre-attaque. Dans la foulée, les forces kurdes ont pu reprendre Aq Bash et ont progressé jusqu’à Bender Xan, où des combats avaient lieu le 27 au soir. Dans la partie sud (secteur compris entre Kartak Shaykan et Bi’r Habash) l’EI a lancé une attaque massive le 27, qui a déclenché une contre-attaque des YPG/J appuyés par la coalition. La situation est très incertaine et, dans la nuit du 27 au 28, apparemment les forces kurdes progressaient à nouveau dans le secteur.rojava3.jpg

Cêzirê : poussée de l’EI sur la Khabur, libération de Til Hemîs et Til Berak

La vallée de la rivière Khabur, au sud-est du canton de Cêzirê, est peuplée par les Assyriens, une des confessions chrétiennes de la région, disposant d’une force d’autodéfense affiliée au MFS. Les 23 et 24 février et dans la nuit du 25, l’EI a violemment attaqué les villages assyriens situés en rive droite de la Khabur, tuant de nombreux civils et en enlevant plus de 220, qui seraient détenus à Ash Shaddadah, hors de portée des forces kurdes (le 28, les YPG/J ont proposé de libérer leurs prisonniers EI contre la libération des Assyriens). L’EI a réussi à encercler Til Temir le 25 et à pénétrer en ville, massacrant plus de 100 civils, jusqu’à ce qu’une contre-attaque des YPG/J permette de le repousser au sud de la Khabur et de contenir l’encerclement. Des villages brièvement occupés au nord-ouest de Til Temir ont été libérés par les YPG/J entre le 27 et le 28. Le MFS et les YPG/J ont pu par ailleurs empêcher l’EI de passer en rive gauche de la Khabur et à maintenir une tête de pont en rive droite (Khuraytah sur la carte), base d’opérations intervenues le 28 février.rojava4.jpg

C’est dans le secteur situé dans le triangle Qamishlo-Jazaa-Hesîce que les opérations les plus importantes ont été menées par les forces kurdes, conduisant à deux très importantes victoires : Til Hemîs et Til Berak. Le 21 février, une attaque coordonnée entre les Peshmergas (à partir du nord des monts Shengal) et les YPG/J (à partir de Jazaa) a permis d’enfoncer les lignes de défense de l’EI à l’ouest de Jazaa. Les forces kurdes ont parallèlement attaqué les villages tenus par l’EI au nord de Til Hemîs. Entre le 22 et le 27, la progression des YPG/J dans le secteur a été rapide, des dizaines de villages étant libérés les uns après les autres. 11100.jpgLe 23, les YPG ont dû déplorer la première mort au combat d’un volontaire étranger, le soldat australien Ashley Kent Johnston. Enfin, le 27 à 15h, les forces kurdes ont confirmé avoir anéanti l’EI à Til Hemîs. Cette ville était depuis un an la place-forte stratégique de l’EI dans le canton de Cêzirê, menace permanente pour Qamislo, Tirbespiye, Girkê Legê… et point d’appui pour les attaques de l’EI contre l’alliance HPG, Peshmergas, YPG et YBS qui combat depuis deux mois pour libérer Shengal de l’emprise de l’EI. Le 28 les YPG/YPJ appuyés par des éléments des FSA ont de plus défait l’EI à Til Berak, autre verrou stratégique, après 25h de combat. Les djihadistes, qui ont perdu au moins 200 hommes depuis le début des opérations dans la région, se replient apparemment sur Al-Hawl à l’heure où ces lignes sont écrites, leur dernière place forte dans le canton.rojava5.jpg

Les forces kurdes du Rojava, qui ont perdu plus de 40 hommes et femmes pendant ces 7 jours de combat, peuvent s’enorgueillir d’avoir porté un nouveau coup sévère aux barbares de l’EI. Preuve supplémentaire qu’elles sont pour l’instant les seules – avec leurs homologues qui défendent le Kurdistan sud – en capacité de faire reculer cette menace : raison de plus pour que les pays de la coalition les arment massivement et dans les plus brefs délais.