Vérité et Justice pour Rojbîn et ses deux camarades assassinées à Paris

Il n’y a aucun assassinat politique en France qui ait débouché sur la mise en cause de la responsabilité d’un Etat commanditaire et j’aimerais bien qu’on rompe avec cette tradition

(AFP, 30 sept 2013) a déclaré Me Antoine Comte, à propos de l’assassinat des trois militantes kurdes à Paris en janvier 2013. Me Antoine Comte est l’un des avocats des parties civiles.

Le silence autour de cette affaire n’est pas sans rappeler d’autres affaires célèbres comme l’affaire Ben Barka ou, plus proche, l’affaire Mecili. Me Comte fut aussi l’avocat pugnace de la veuve de cet avocat algérien abattu à Paris en 1987. Le tueur, un diplomate algérien, rapidement interpellé et vite expulsé vers son pays d’origine sur ordre ministériel, obtint un non-lieu en 2010, 23 ans après.

L’assassin présumé était-il sur écoute?

L’histoire est-elle en train de se répéter avec le refus des juges antiterroristes de répondre à une demande portant sur l’ensemble des écoutes administratives qui permettrait de savoir si, avant les crimes, Omer Güney, l’assassin présumé, avait fait l’objet de surveillance par les services de renseignement français ? Me Comte a fait appel de ce refus car il estime qu’une enquête sur ce point ouvrirait des portes “qui méritent d’être ouvertes”. Mais on lui a répondu que cela n’avait pas de relation avec les faits ! Etrange réponse qui n’écarte pas la possibilité que le dénommé Günez ait été mis sous surveillance pour d’autres faits. Pour des liens réels ou supposés avec des services secrets turcs ou des groupes d’extrême-droite? Rien, bien sûr, ne permet de l’affirmer car le secret de l’instruction est bien gardé et “l’enquête suit son cours”. Le Monde, qui a repris une partie de la dépêche de l’AFP, aurait pu faire l’économie de citer les fausses pistes, misérables (règlement de comptes, crime crapuleux, différend personnel) qui ont fait long feu depuis longtemps. Chacun sait que c’est un crime politique qui pourrait mettre en cause un Etat, membre de l’OTAN, avec qui la France a signé un accord de coopération dans le domaine de la sécurité intérieure, et c’est la raison pour laquelle on craint que l’affaire ne soit étouffée comme d’autres, au nom de la raison d’Etat.

Appel au Président de la République

Le triple crime qui a été commis sur notre territoire met en cause notre responsabilité collective. Les Kurdes rencontrés, responsables politiques et/ou associatifs, ne manquent pas de nous le rappeler : “pourquoi ne les avez-vous pas protégées ?” Ils jugent sévèrement la politique de la France dans cette affaire.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, députée d’Ille-et-Vilaine, qui connaît bien la question kurde, a accepté de remettre à Mme Taubira, Ministre de la justice de passage à Rennes, une requête présentée par les Amitiés kurdes de Bretagne concernant l’assassinat de ces trois jeunes femmes dont l’une, Rojbîn, était particulièrement connue et estimée en Bretagne :

nous vous demandons, Madame la Ministre, d’être notre avocate auprès de François Hollande, Président de la République française. En recevant à l’Elysée les proches des victimes, il les aiderait à surmonter leur peine et enverrait un signal aux assassins et à leurs commanditaires : non, ces crimes ne resteront pas impunis, non, l’affaire ne sera pas enterrée.

André Métayer