Élection d’Hatip Dicle invalidée : le gouvernement turc veut–il la guerre ?

Le Haut Conseil des Élections (YSK) a décidé d’invalider l’élection du Kurde Hatip Dicle, député BDP de Diyarbakir. Il sera remplacé, selon les règles inéquitables qui régissent le mode d’élection en Turquie, par un député AKP, parti islamo-conservateur au pouvoir.

Hatip Dicle est “la” figure emblématique de la résistance kurde au Kurdistan comme Leyla Zana l’est en Europe, auréolée du prix Sakharov. Tous les deux ont déjà payé un lourd tribut au combat pour la liberté en restant enfermés plus de dix ans dans les geôles turques, de 1993 à 2004, en compagnie de deux autres députés kurdes, Orhan Dogan, aujourd’hui décédé, et Salim Sadak, maire destitué de Siirt, inculpé dans le procès des 151 de Diyarbakir. Hatip Dicle fait lui aussi partie de la “charrette” des 151 et son élection devait le faire sortir de prison où il y est retourné depuis 2010.

Ce ne sont pas ces basses manœuvres politiques qui vont faire plier ces hommes et ces femmes dont le combat est exemplaire. Elles risquent par contre de remettre en cause tout le processus de paix qui semblait enclenché. Il n’est pas interdit de penser que l’objectif est là : obtenir, par invalidations successives de députés de l’opposition, la majorité qualifiée, manquée de quelques sièges, qui permettra à l’AKP de faire à sa convenance une pseudo révision constitutionnelle, suffisante pour satisfaire l’opinion internationale peu regardante, et lui laissant les mains libres pour écraser le mouvement kurde de désobéissance civile devenu insupportable à l’épiderme chatouilleux de RT Erdogan.

La rue est à nouveau en ébullition à Istanbul, à Diyarbakir et il est prévisible que la contestation va s’étendre : les Kurdes ne vont pas se laisser voler leur victoire.

Le BDP est en conclave : il n’est pas exclu qu’une décision de blocage soir prise et que tous les députés BDP boycottent le Parlement. De son côté, Le PKK avait posé comme conditions, pour reconduire une trêve unilatérale décrétée le 13 août 2010, un arrêt des opérations militaires et la reconnaissance de son chef emprisonné, Abdullah Öcalan, comme interlocuteur pour un règlement de la question kurde.

L’invalidation de l’élection d’Hatip Dicle est vraiment un casus belli.

André Métayer