Erdoğan, comme Poutine, tente de sauver sa dictature en s’enfonçant dans la guerre

Depuis le 17 avril l’armée turque a lancé une offensive dans le nord de l’Irak contre les forces du PKK. Troupes aéroportées, avions de chasse, hélicoptères, obusiers sont engagés contre les zones libres du Kurdistan. En parallèle les forces de Barzani attaquent les Yézidis dans la région de Şengal. Erdoğan et Barzani ont poussé le cynisme jusqu’à coordonner leurs attaques contre la résistance kurde et la minorité kurde victime des massacres de Daech.

L’offensive turque menée en territoire irakien s’étend sur un large front dans les régions de Zap, Avashin, Werxele. Des villages sont bombardés à Birïndara, Ertus, Sehid et alentours. Erdoğan profite de la guerre en Ukraine qui mobilise l’attention de l’opinion publique pour poursuivre et amplifier ses attaques contre les populations Kurdes, tant en Turquie avec les centaines d’arrestations, condamnations, tortures que dans les zones libres du Kurdistan du sud,

déclare Joël Dutto, au nom de la Coordination nationale Solidarité Kurdistan (CNSK), que les Amitiés kurdes de Bretagne ont cofondée avec une vingtaine d’organisations et associations démocratiques.

“Ce pouvoir est sur le départ. Il va finir par tomber, mais nous, nous serons toujours là”.

Le journal Le Monde a fait état lundi 18 avril d’une déclaration tonitruante du ministre turc de la défense, Hulusi Aka, annonçant une nouvelle offensive aérienne dans le nord de l’Irak avec des unités de commandos, des drones et des hélicoptères d’attaque “contre les repaires du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK)” et assurant que l’opération allait gagner en ampleur “dans les heures et les jours à venir”. Comme Poutine, le président Erdoğan a sorti les grands moyens et les combats sont sévères. Mais dans les deux cas, la résistance est là. D’après les sources kurdes, les combats auraient déjà fait 50 victimes dans les rangs de l’armée turque (les Kurdes déploreraient, de leur côté, 19 tués). Les communiqués, dans ces circonstances, sont toujours sujets à caution, d’où qu’ils viennent, mais le silence du ministre turc, après son annonce belliqueuse, semble indiquer que les choses ne se passent pas exactement comme prévu. Ahmet Türk avait prévenu quand, applaudi à tout rompre par des centaines de milliers de Kurdes rassemblés à Diyarbakir à l’occasion du Newroz, il avait lancé : “ce pouvoir est sur le départ. Il va finir par tomber, mais nous, nous serons toujours là”.

Ahmet Türk, une grande figure de la cause kurde

La foi inébranlable du peuple kurde, aguerri par des décennies de lutte, n’a pas fini de nous surprendre et de nous convaincre que “la roue finira par tourner” comme l’a écrit Selahattin Demirtas qui, avec six députés HPD, sept maires et plusieurs milliers de militants, est derrière les barreaux, victime de la lettre de cachet des temps modernes. Non, contrairement à ce qu’écrit honteusement Le Monde, le HDP n’a pas perdu son crédit auprès de sa base. Ahmet Türk, cette grande figure de la cause kurde, est là pour nous le rappeler. Né en 1942, plusieurs fois emprisonné, il a été à maintes reprises député ou maire, plusieurs fois destitué, condamné, emprisonné et toujours réélu. C’est un personnage incontournable. Même la presse turque le présente comme “un médiateur indispensable du processus de résolution des problèmes“. N’a-t-il pas en 2013, en tant que député BDP et co-président du DTK, participé aux négociations de paix ouvertes entre les services secrets (MIT) d’Erdoğan et Abdullah Öcalan en se rendant sur l’île-prison d’Imralı avec sa consœur Alya Akat Ata, bien connue à Rennes, aujourd’hui embastillée à la prison pour femmes de Sincan à Ankara ? Les prisons débordent de militants et militantes condamnés à de lourdes peines mais les témoignages qui nous parviennent à travers les murs la prison d’Elazığ nous montrent que la combativité ne faiblit pas.

L’urgence : ouvrir des négociations

La France reste convaincue qu’une solution politique à la question kurde est la seule qui soit viable à long terme.“ Nous ne manquons pas de rappeler à JY Le Drian, ministre des Affaires étrangères, cette phrase qu’il a écrite le 15 juillet dernier. Oui, la seule voie pour une paix juste et durable est celle de la négociation entre les belligérants et il est de notre devoir de plaider cette cause auprès de nos gouvernants pour qu’ils œuvrent dans ce sens. La France peut jouer le rôle de médiateur. Les Kurdes, qui combattent les agressions de la Turquie sont des combattants de la liberté, comme le dit la déclaration de la CNSK,

au même titre que les Ukrainiens qui résistent face à l’envahisseur russe. Il ne peut y avoir d’un côté une mobilisation des instances européennes et internationales pour condamner la Russie et son Président Vladimir Poutine et le silence face à la guerre menée contre les Kurdes. Il ne peut y avoir de référence à des crimes de guerre en Ukraine et le silence face aux exactions de l’armée turque à l’encontre des civils kurdes. Le fait que la Turquie soit membre de l’OTAN ne la dispense pas du respect du droit international.

La CNSK appelle toutes organisations démocratiques de défense des droits humains, les syndicats et partis politiques à réagir avec force contre l’inacceptable.

Elle invite l’opinion publique française à soutenir le combat que livrent les forces kurdes contre l’envahisseur.

Elle appelle les instances dirigeantes de notre pays à réagir face à ce nouveau coup de force du Président Recep Tayyip Erdoğan.

Elle demande le retrait immédiat des forces armées turques du Kurdistan d’Irak et une protection internationale pour les civils kurdes bombardés.

André Métayer