“Pour avoir défendu Abdullah Öcalan, ma sœur Asya est en prison depuis de longs mois”

Mehmet Ulker, Président depuis 2009 de la FEYKA (Fédération des Associations kurdes en France) a fait le 31 mars le voyage depuis Paris pour participer à Rennes à l’assemblée générale d’Amara – Maison du Peuple kurde. Mehmet Ulker sillonne la France pour apporter à la vingtaine d’associations kurdes l’aide qu’elles attendent de la fédération à laquelle elles sont affiliées. Très affecté par l’assassinat de Sakine, Rojbin et Leyla au Centre d’information du Kurdistan de Paris, il a évoqué l’action de ces trois jeunes femmes, actives parmi les plus actives, au service des associations kurdes et de la cause kurde.

Mehmet Ulker, président de la FEYKA

La FEYKA a été créée en 1993 pour faciliter l’intégration des Kurdes en France, mais aussi pour faire connaitre la cause kurde auprès de l’opinion publique : les Kurdes ont besoin de la solidarité des ONG françaises et de la représentation politique. La FEYKA aide les associations à prendre en charge les problèmes rencontrés par les Kurdes de France et à mettre en place des activités culturelles comme, par exemple, des cours de langues (kurde et français), des danses folkloriques, des cours de musique, de théâtre, etc.

Mehmet Ulker fait partie de cette génération de militants kurdes aguerris, réfugié en France pour échapper aux rafles qui remplirent en 1980 les prisons d’opposants politiques, à la suite du coup d’Etat militaire. Aujourd’hui, les prisons sont de nouveau pleines et si les négociations entre Abdullah Öcalan et le gouvernement turc font naître quelques espoirs pour une paix équitable et durable, les militants comme Mehmet Ulker sont quand même dans l’expectative. Tout en y croyant et tout en militant pour que le plan de paix proposé par le leader kurde réussisse, ils notent le peu de signes encourageants donnés par le tout puissant premier ministre du gouvernement turc. RT Erdogan refuse, par exemple, de créer une commission parlementaire pour superviser le retrait des combattants kurdes, préférant nommer, à sa convenance, une “commission des sages”. La libération de Bekir Kaya, maire de Van, détenu sans jugement depuis juin 2012, ne fait pas oublier que plus de 8 000 détenus attendent leur libération, dont Asya Ulker, avocate, sœur de Mehmet Ulker.

Asya Ulker

Mehmet Ulker :

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ma sœur et moi sommes nés à Kars, notre père était maçon, nous étions 9 enfants. Asya, avant tout humaniste, a toujours aimé défendre les personnes en difficultés. Après ses études de droit à Istanbul, elle est devenue avocate et est entrée dans le cabinet juridique Asrin chargé de défendre les droits de notre leader Abdullah Öcalan. A ce titre, Asya, aujourd’hui âgée de 48 ans, s’est à plusieurs reprises rendue sur l’île Imrali pour rencontrer son illustre client et s’est ainsi attirée la haine des milieux ultranationalistes qui l’ont agressée physiquement à plusieurs reprises. Les jets de pierre ne l’ont pas empêchée de poursuivre sa tâche jusqu’à l’aube du 22 novembre 2011 où elle a été interpellée dans le cadre d’un vaste coup de filet parmi les juristes kurdes. Ma sœur a été condamnée à 6 ans et 6 mois de détention alors qu’elle n’a fait que sont travail d’avocat.

Indignation des avocats français

Après une nouvelle arrestation, le 18 janvier, de neuf avocats engagés dans la lutte contre les violences policières, ce sont plus de cinquante avocats qui sont inculpés dont la plupart sont en détention, un bilan qui laisse les cabinets proches des milieux kurdes ou d’extrême-gauche totalement exsangues et qui scandalise les barreaux français : dans une lettre adressée au président de la République, les avocats français se disent “indignés” par l’évolution de la situation de leurs confrères turcs.

Une mobilisation sans précédent des avocats de différents pays européens a déjà eu lieu en juillet 2012 à l’occasion du procès – parodie de justice ont dit les témoins juristes – ouvert le 16 juillet à Istanbul.

Lire aussi, de Sophie Masas : “à Istanbul, on fait le procès des avocats.”

Toutes les interventions avaient souligné le caractère arbitraire et politique de ce procès où les charges paraissent complètement fabriquées. L’acte d’accusation de 861 pages n’avait même pas été lu à l’audience et tous les prévenus n’avaient pu être interrogés. Ceux qui l’ont été n’ont pu s’exprimer en kurde.

André Métayer