Quand le chemin d’un troubadour croise celui des misères d’un peuple

D’emblée le courant passe avec Elie Guillou, ce breton de 30 ans, musicien, auteur et chanteur, mais aussi homme de théâtre, “troubadour des temps modernes”, http://www.elieguillou.fr/ comme il se nomme lui-même, s’intéressant aux questions d’ethnomusicologie et de tradition orale. Son chemin devait croiser au festival des Etonnants Voyageurs de Saint-Malo celui de Gaël Le Ny et de François Legeait, deux autres rennais, deux photographes. Ils lui parlèrent des dengbejs, ces chanteurs kurdes qui associent à la parole d’autres fonctions que celle de divertir. Ils lui parlèrent aussi de leur démarche pédagogique dans le cadre d’ateliers photos avec des enfants de quartiers défavorisés, ceux de Maurepas à Rennes et de Ben U Sen à Diyarbakir. Et voici ces trois étonnants voyageurs se retrouvant à Bağlar, arrondissement de Diyarbakir, dans une situation non prévue, au milieu les événements qualifiés par Ouest-France de “violents affrontements”. “Ah vous dirais-je Maman, Bağlar est en état de guerre“. C’était en automne 2012. Le printemps avait été pourri, le peuple kurde était toujours dans la rue en réponse au BDP prônant “l’insurrection civique” que les dengbejs du Centre Culturel de Mésopotamie (MKM – Mezopotamya Kültür Merkezi), accompagnent encore, malgré les risques de prison, au son de leur saz et de leur tambûr.

A la rencontre des Kurdes syriens au camp de réfugiés de Domiz (Kurdistan irakien)

2-2013-10-29_16.21.39.jpgLa quête ne s’arrête pas là et Elie Guillou poursuit son chemin en 2013 au Kurdistan du sud (Région autonome du Kurdistan d’Irak) :
” Mon voyage avait pour but de collecter des chants traditionnels kurdes et de voir comment cette culture résiste à l’urbanisation, au développement. Je voulais aussi comprendre quel rôle joue la musique dans l’identité kurde en comparant les différentes manières d’aborder le chant en Turquie, en Irak, en Iran et en Syrie. Ne pouvant pas aller en Syrie, j’ai été à la rencontre de chanteurs kurdes syriens dans un camp de réfugié situé près de Dohuk, en Région autonome du Kurdistan d’Irak, à la frontière turque”.
Elie Guillou fit donc la découverte du camp de réfugiés de Domiz, accueillant plus de 60 000 Syriens (25 000 officiellement) entassés dans un immense campement de tentes alignées à flanc de boue “Les toiles laissent passer le bruit, les murs en briques laissent passer les regards, lesquels sont troués d’émotions ; ici, tout est public, à commencer par la douleur”.
200 000 Syriens se sont réfugiés au Kurdistan irakien pour fuir les zones de combat où s’affrontent les troupes du PYD (principal parti kurde) qui libèrent ‘Rojava” (Kurdistan syrien) des différents groupes armés islamistes et djihadistes qui veulent imposer la loi islamique à une population kurde plutôt laïque. Les Kurdes de Syrie ne souhaitent pas davantage se rapprocher du Conseil national syrien, qui, lui, refuse catégoriquement de leur accorder un statut d’autonomie dans le cadre d’une République syrienne. Leurs succès militaires permettent de mettre en place une administration civile et de gagner peu à peu une autonomie qu’il sera difficile de leur contester par la suite.

Double peine pour un enfant kurde, réfugié et thalassémique

Elie, dans sa collecte de chants traditionnels, a rencontré une famille kurde de la région d’Efrin, près d’Alep, réfugiée dans ce camp de Domiz, une famille, durement frappée par la maladie :
“J’ai rencontré la famille Rasheed qui chante en trio : le père, le fils et la fille. Le fils, Hemraz, est atteint d’une maladie rare : la B-Thalassémie Majeure. C’est une maladie de la moelle osseuse qui provoque un défaut de l’hémoglobine dans le sang. Les conséquences sur le squelette et les organes sont désastreuses et l’espérance de vie d’un enfant thalassémique est très faible si la maladie n’est pas éradiquée. La transplantation de moelle osseuse est le seul traitement définitif disponible. Très peu d’équipes médicales dans le monde ont étudié cette maladie orpheline. Toutefois une thérapie génique a été réalisée en France par des équipes médicales et de recherche (CEA, Inserm, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Centre Hospitalier Intercommunal de Créteil, plusieurs universités parisiennes). Ainsi un jeune adulte atteint d’une forme intermédiaire de bêta-thalassémie est libéré depuis trois ans des transfusions sanguines et mène une vie normale”

Appel d’Elie Guillou en faveur d’Hemraz, 10 ans, atteint de la B-Thalassémie Majeure

“Pour soigner l’enfant, il faut une greffe de moelle osseuse. Cette opération, extrêmement coûteuse, ne peut être réalisée ni en Irak, ni en Syrie Je milite pour que le jeune Hemraz obtienne le statut de réfugié médical et qu’il puisse venir en France, avec sa famille, pour se faire soigner. Je suis au début de mes démarches administratives mais je lance dès maintenant un appel afin de récolter les fonds nécessaires pour financer l’opération. Toute aide sera la bienvenue” (pour tous renseignements : guillou.elie@gmail.com)

André Métayer

Photos (collection E. Guillou)
1- Elie Guillou et Yacoup, chanteur kurde connu de la région d’Hawraman (la région montagneuse d’Hawraman se joue des frontières entre l’Irak et l’Iran et s’étend jusqu’au sud de Soulemanieh)
2- Le camp de Domiz